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MONSIEUR LE MARQUIS

qui l’intéressait beaucoup, puis le Roi déguisé, puis la musique du trio, qui est ravissante.

M. Dulac commençait à s’impatienter. — Il faut la distraire à tout prix, se dit-il. Nous verrons si elle résistera à cette épreuve-là… Et il s’écria : — Ah ! voici M. de Marny avec sa femme !…

Laurence tourna vivement la tête.

— Enfin !… dit M. Dulac.

— Où est-elle ? demanda Laurence.

— Je vais vous le dire ; mais ne les regardez pas tout de suite : ils s’apercevraient qu’on parle d’eux… Regardez aux secondes, cette loge où il y a un grand turban.

— C’est elle ?

— Non ; mais c’est là qu’il faut regarder, et puis, par degrés, baissez les yeux vers la loge de dessous. Voyez-vous cette jeune femme en bonnet, avec des roses ?

— Ah !

— Contraignez-vous.

— Comme elle est pâle !

— Elle est grosse de six mois, et très-souffrante.

Laurence rougit.

— Comme vous voilà troublée ! Pauvre femme, vous l’aimez encore !

— Non, oh ! non, je vous assure. Il serait là que je lui parlerais comme à vous.

— Merci, reprit M. Dulac en riant ; je voudrais vous être aussi indifférent que lui.

— C’est trop fin pour moi, dit-elle.

— Gageons que vous ne pourrez le revoir sans une vive émotion ?

— Si vous êtes là, je serai sans doute embarrassée ; mais c’est vous qui me ferez peur.

— Ah ! vous reculez déjà.

— Non, je me sens très-brave.

— Voulez-vous en faire l’épreuve ? je vais le chercher.

— Pas ce soir ! dit-elle vivement.

— Ah ! madame, vous voyez bien que j’ai raison.