Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/48

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entendit ces mots que prononçait madame de Clairange avec sollicitude : — Valentine, ne prenez pas d’orgeat, vous vous rendrez malade.

« Elle est ici ! » pensa Edgar, se rappelant tout ce qu’on lui avait dit de madame de Champléry ; et curieux de la voir, il porta ses regards du côté de la table ronde autour de laquelle se réunissaient ordinairement Stéphanie et ses jeunes amies ; mais il en était trop éloigné pour qu’il lui fût possible de distinguer aucune femme particulièrement.

Forcé de rester auprès de la maîtresse de la maison pour écouter les obligeants reproches qu’elle lui faisait sur sa négligence, Edgar s’impatientait de ne pouvoir rejoindre Stéphanie. Il ne doutait pas que Valentine ne fût auprès d’elle, et songeant à ce que lui avait dit M. de Fontvenel sur l’impossibilité de deviner le caractère de madame de Champléry, il commença à se repentir d’avoir abandonné son lorgnon.

Enfin il lui fut permis de s’approcher de cette terrible table ronde, à laquelle il en voulait déjà en se rappelant tout ce qu’à cette même place il avait éprouvé pour Stéphanie. Mademoiselle de Fontvenel le reçut avec sa bienveillance ordinaire, elle le fit asseoir auprès d’elle, et il vit bientôt que sa présence avait fait une grande sensation dans le groupe de jeunes femmes qui l’entouraient.

Il est certain que son talent de pénétration faisait du bruit dans le monde, et que toutes les femmes avaient peur de lui. Une fort jolie personne était à côté de Stéphanie. Edgar présuma que c’était Valentine et se mit à l’observer. Il la trouva rieuse, moqueuse, comme on le lui avait annoncé. La conversation s’étant facilement engagée, et voyant que l’on mettait de la coquetterie à lui répondre, il se livra au plaisir d’être écouté. Il raconta ses voyages, y mêla des anecdotes piquantes, et sachant que madame de Champléry aimait la légèreté dans l’esprit, il se flatta de lui avoir prouvé qu’il n’en manquait pas, et son amour-propre se sentit satisfait.

Comme il était dans tout l’enivrement d’un homme heureux de plaire, la voix de madame de Clairange retentit : — Allons, Valentine, il est minuit passé, vous êtes souffrante, il faut rentrer…