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DE PONTANGES.

Il s’approcha d’elle et l’embrassa.

Lionel était généreux, il avait pitié de la femme dont il désirait la mort…

Clémentine fut si étonnée de ce retour subit de tendresse, après tant de jours de froideur, qu’elle ne fut plus maîtresse de son émotion… elle se jeta dans les bras de son mari et fondit en larmes.

— Tu vas te rendre malade, cher amour… ne pleure pas… sois confiante, ma bonne Clémentine… peux-tu croire que je ne t’aime plus ?… Allons, sois sage, ne te fais pas malheureuse à plaisir… C’est toi qui me rends méchant, parce que tu me tourmentes… Quand je reviens, tu me fais toujours mauvaise mine… et puis toujours les yeux rouges ; et puis quand je reçois une lettre, tu regardes de travers l’adresse… Tout cela m’impatiente, vois-tu, et je te dis des paroles dures dont je suis bien fâché après… Ne te fais plus de folles idées… Mais c’est donc une grande passion que tu as pour moi ?…

Clémentine sourit à travers ses larmes. — Rassurez-vous, dit-elle gracieusement, quand j’aurai mon enfant, je ne vous aimerai plus… je ne m’occuperai plus de ce que vous ferez. Alors je serai bien forte contre vous.

— Oui ; mais, moi, je t’aimerai davantage… parce que tu seras bonne… et puis tu seras bien jolie, mon ange, avec une belle petite fille dans tes bras.

— C’est donc toujours une fille que vous voulez ?

— Oui. Mais tu es très-fatiguée ce soir, tu devrais te coucher ; il faut avoir bien soin de toi…

Et Lionel, de bonne foi dans sa pitié ; je dis plus, dans sa tendresse, car il était impossible de ne pas aimer Clémentine, Lionel prodiguait les plus doux soins à la jeune femme, pour qui cet amour inaccoutumé, ce bonheur inespéré, étaient encore plus dangereux que les chagrins des jours passés dans les larmes.

Lionel se croyait bon ; mais en se montrant si tendre, si soigneux, un instinct de mari l’inspirait… Un coup de poignard n’eût pas été plus mortel en cet instant. Dans l’état d’agitation et de fièvre où se trouvait Clémentine, un coup de poignard l’aurait moins vite tuée que cet amour…