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MONSIEUR LE MARQUIS

hier ; mais elle s’est trouvée mal en arrivant, et le prince a défendu de laisser monter personne.

— Je ne connais ni ton prince ni la princesse ! laisse-moi, tu radotes !…

— Je vous dis, monsieur, que vous ne monterez pas… Je vais avertir M. le prince…

— Mais quel prince, vieux fou ?

— Le prince de Loïsberg… Je le connais bien, peut-être ; voilà vingt ans que je suis à son service !

— Le prince de Loïsberg demeure ici ? demanda Lionel qui commençait à s’alarmer.

— Certainement, il demeure chez sa femme ; c’est tout simple.

— Sa femme !… qui, sa femme ?

— Ah ! c’est que monsieur ne sait pas… ça ne m’étonne pas… cela s’est fait si vite !… Monsieur ne sait pas que M. le prince a épousé sa cousine… celle qu’on appelait à Champigny la femme au fou. Une belle femme, vraiment, qui a l’air d’une reine !

— Laurence… est mariée ?

— Comment ça, Laurence ?

— Madame de Pontanges !…

— Elle est maintenant la princesse de Loïsberg, et c’est moi qui suis son concierge. On a renvoyé l’autre… il aimait à boire… il ne pouvait convenir à un prince.

Lionel resta un moment suffoqué.

Tout à coup, il s’élança sur le portier et le saisit à la gorge en s’écriant :

— Tu m’en rendras raison !

— Non, monsieur… Demandez plutôt à M. Dulac ; il était témoin du mariage ; c’est lui.

— Ferdinand ! Ferdinand ! s’écria Lionel hors de lui ; Ferdinand, vous m’en rendrez raison, monsieur ! vous avez massacré ma vie ! je veux la vôtre… mettez-vous en garde, monsieur !

Ces paroles s’adressaient au portier, que M. de Marny secouait par son habit avec violence.

— Lâchez-moi, monsieur ! criait le portier en faisant bonne contenance… J’ai été militaire… je ne me laisse pas maltraiter… j’ai un sabre !