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DE PONTANGES.

— Le sabre, l’épée, le pistolet, peu m’importe ! c’est ton sang qu’il me faut, misérable !… j’ai soif de vengeance. Mais je veux t’insulter, t’avilir, avant de te tuer… je veux ta honte aussi, malheureux !

Et M. de Marny frappait le vieux serviteur à coups redoublés.

— À la garde !… à la garde !… criait le portier ; on m’assassine !… au secours ! au secours !…

Cependant Lionel continuait à maltraiter le pauvre homme, dont les cris attirèrent tous les gens de la maison et parvinrent jusqu’à l’appartement qu’habitait le prince.

— Quel tapage ! dit M. Dulac, qui se trouvait en ce moment chez son ami. Je vais voir ce que c’est.

Il descendit dans la cour et reconnut M. de Marny. Pressentant l’orage, il s’avança vers Lionel en tremblant, non pas de crainte pour lui-même, mais avec cette inquiétude, cette angoisse qu’inspire une catastrophe qu’on a prévue, une crise qu’on attend… l’aspect enfin d’une grande passion qui va faire explosion, l’aspect d’un malheur auquel on ne peut apporter aucun remède.

— Lionel… dit M. Dulac avec douceur, s’attendant à voir M. de Marny éclater de fureur à sa vue.

— C’est toi… dit Lionel soudain calmé ; c’est toi, Laurence ! tu viens me dire qu’ils me trompent, n’est-ce pas ? tu m’aimes toujours… Oh ! que j’ai souffert !…

Le portier, que Lionel venait de lâcher, continuait de crier :

— À la garde ! à la garde !

— Ce n’est pas la garde qu’il faut aller chercher, dit Ferdinand avec tristesse, c’est un médecin… Cet homme n’a plus sa tête… Voyez… il écume… ses yeux sont rouges, ils ne voient plus ! — Lionel, ajouta Ferdinand en s’adressant à M. de Marny et en essayant de le ramener à la raison par la colère, je serai au bois de Boulogne à dix heures…

— Oui, reprit Lionel froidement ; nous irons à l’enterrement de ma femme…

— Plus de haine contre moi, s’écria Ferdinand,

il est fou !