Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/59

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neutralise ou qu’il métamorphose entièrement. Valentine était de ce nombre, l’embarras la mettait au supplice ; elle aimait mieux nier ses bons sentiments, cacher ses pures émotions, que de risquer le trouble de les exprimer. Il n’était pas de faux-fuyant auquel elle n’eût recours pour sortir de peine. La plaisanterie la plus glaciale, la politesse la plus désenchantante, valaient mieux pour elle qu’un remercîment qui l’eût attendrie. Aussi redoutait-elle l’amour, ses craintes, ses pudeurs et ses troubles, comme le plus grand des tourments, et celui qui devait lui en inspirer pouvait s’attendre d’avance à être regardé par elle comme un ennemi.

À la sortie du spectacle, au bas du grand escalier, madame de Champléry se trouva auprès de sa future cousine, et l’air troublé avec lequel mademoiselle d’Armilly salua M. de Lorville, qui disait ne pas la connaître, inspira quelque défiance à Valentine. Edgar lui-même parut déconcerté en voyant son mensonge découvert. En résultat, cette soirée n’eut pas tout le succès qu’en espérait madame de Clairange, dont M. de Lorville avait deviné sans peine les projets.

Valentine lui avait paru sans grâce, et digne de trouver M. Narvaux aimable. Quant à madame de Champléry, elle jugeait Edgar faux et suffisant, et madame de Clairange, voyant ses plans habiles déjoués, se disait tristement : « Ma belle-fille ne sera jamais duchesse de Lorville. »


XI.

On était au milieu de l’été, dans cette saison insupportable à Paris, où, sans nous rendre compte d’un instinct sanitaire qui nous guide, nous allons voir de préférence ceux de nos amis qui ont des jardins ; de même qu’en hiver les plus frileux sont ceux que nous soignons davantage.

— On étouffe ce soir ! disons-nous ; comment n’y a-t-il pas à Paris des squares où l’on puisse respirer à son aise, sans être foulé comme aux Tuileries ? Les gens qui ont un jardin dans leur maison sont bien heureux par ce temps-ci.

— Celui de madame une telle doit être charmant, dit un autre.