Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/66

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Et chacun, plaisantant de cette réponse, resta convaincu qu’Edgar avait été l’heureux rival de M. Ernest.

C’est ainsi qu’on finissait toujours par expliquer d’une manière assez naturelle les incidents extraordinaires que faisait naître le merveilleux talisman.

Valentine, causant avec le général placé auprès d’elle, était sans cesse interrompue dans cette conversation, qui lui plaisait, par les questions, les gentillesses prétentieuses, les attentions tourmentantes de madame de Clairange.

— Valentine, je vous envoie des olives ; je sais que vous les aimez. — Valentine, ne buvez pas de vin de Madère, cela vous fera mal…

Et Valentine, qui n’aimait pas les olives et qui ne buvait jamais de vin, répondait à toutes ces prévenances d’un air d’impatience et de sécheresse qui ne l’embellissait point.

« C’est dommage, pensait Edgar, que cette belle personne n’ait pas le désir de plaire : elle a vraiment des traits admirables ; mais tout cela est gâté par un air boudeur qui n’a même pas la grâce de la gaucherie. »

À peine fut-on sorti de table que madame de Clairange se disposa à partir, et traversa le salon pour dire adieu à Valentine, en promettant de revenir la chercher, si cela lui était possible.

— Où allez-vous donc sitôt, ma chère ? lui demanda madame de Fontvenel.

— Eh ! mon Dieu, chez des malheureux, comme toujours ! répondit madame de Clairange. J’ai de pauvres amis en deuil, il faut bien que j’aille les consoler ; et puis j’ai une petite malade à qui j’ai promis d’aller tenir compagnie.

— Toujours la même ! dit M. de Fontvenel, en offrant son bras à madame de Clairange pour la reconduire jusqu’à sa voiture ; toujours le modèle des amies !

— Tandis qu’elle s’éloignait :

— Est-ce qu’elle va au spectacle ? s’écria le général étonné.

— Non, pas ce soir, dit madame de Fontvenel ; mais elle y est allée il y a trois jours, pour la première fois depuis bien longtemps.