Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/68

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sorte de courage pour le cacher, elle s’approcha bravement de M. de Lorville, à qui jusqu’alors elle avait toujours évité de parler, et lui demanda s’il était resté longtemps la veille chez madame de Montbert.

— Quoi ! vous étiez chez ma tante ? reprit-il avec étonneraient ; je n’ai pas eu l’honneur de vous y voir.

— Cela est assez simple, dit-elle, il faisait complètement nuit ; d’ailleurs, je suis partie peu de temps après votre arrivée.

— Vous connaissiez toutes les personnes qui se trouvaient chez elle ? demanda Edgar un peu troublé.

— Oui, presque toutes.

— Eh bien, je vous en prie, madame, dites-moi qui était cette charmante petite femme assise auprès de ma tante, et qui avait un joli chapeau blanc, un grand châle…

— Cette petite femme ! interrompit Valentine en riant, mais c’était moi.

— C’était vous ! s’écria vivement Edgar. Ah ! quel bonheur !

Il se repentit de cette exclamation de joie qui venait de lui échapper ; puis il ajouta :

— Comment se fait-il que je ne vous aie pas reconnue ?

— Ne vous en étonnez pas, répondit Valentine, c’est ma faute ; je suis quelquefois si différente de moi-même… Il m’est arrivé de n’être pas reconnue le soir au bal par des gens qui m’y cherchaient, et qui m’avaient été présentés le matin. La sécurité ou l’embarras font de moi deux personnes absolument contraires ; aussi je ne suis jamais aimable avec ceux qui me déplaisent.

À la place d’Edgar, tout homme eût répondu à cette phrase par un compliment, mais ce n’était pas sa manière.

— Vraiment, dit-il, je vous ai donc bien déplu l’autre soir au spectacle ?

Valentine sourit de cette conclusion un peu insolente, et lui sut bon gré de lui avoir épargné le compliment banal qu’elle prévoyait.

— J’avoue, répondit-elle, que ce soir-là je n’ai pas pris de vous une très-bonne idée… et que si je n’avais pas dû vous revoir…