Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/75

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mille extravagances de ce genre : comme si nos plus célèbres magistrats et la plupart de nos grands hommes n’avaient pas tous commencé par être avocats ; comme si les avocats ne s’étaient pas montrés, à toutes les époques de notre histoire, les plus redoutables ennemis de l’arbitraire et des abus ; enfin comme si l’éloquence n’était pas le premier pouvoir d’un gouvernement parlementaire ! »

« Fort bien, se dit Edgar, le marquis refuse sa fille au préfet ; le préfet refuse son fils à l’avocat ; voyons un peu jusqu’où cela ira, et à qui l’avocat va refuser sa fille. »


XV.

L’avocat demeurait au second ; car, on trouvera sans doute la chose surprenante, tous ces projets de mariage se tramaient dans la même maison. L’avocat reçut le propriétaire comme un ami ; mais au nom de M. de Lorville, si connu à l’ancienne cour, il fit une grimace méprisante qu’Edgar comprit à merveille.

— Je vous attends avec impatience, mon cher, dit l’avocat à M. Renaud ; je suis malheureusement obligé de quitter votre appartement : je n’y saurais demeurer davantage.

— Est-il bien vrai ? demanda le propriétaire alarmé de cette déclaration, quoiqu’elle eût plutôt l’accent d’un dépit que l’air d’une résolution positive. Quel motif peut vous décider à me quitter avant la fin de votre bail ?

— Je vais vous conter cela, reprit l’homme de loi.

Puis s’adressant à Edgar : — Pardon, monsieur Lorville, si je vous laisse ; mais j’ai quelques mots à dire à monsieur.

Alors il emmena M. Renaud dans la chambre voisine, et lui parla quelques instants à voix basse, tandis qu’Edgar parcourait les journaux qui étaient sur la cheminée, le Sténographe et la Gazette des tribunaux. « Les discours de la tribune, les plaidoyers du barreau, pensait-il, véritable lecture d’avocat. »

Une conversation à voix basse ne pouvait être longtemps soutenable pour l’homme de l’éloquence, et bientôt ce long