Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/86

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après y avoir été pompeusement annoncée. Madame de Champléry s’avança gracieusement et avec un air d’assurance qui surprit M. de Lorville.

« Comment, se disait-il, avec tant d’aplomb dans les manières, avec une si grande habitude du monde, une femme peut-elle être quelquefois si facile à embarrasser ? »

C’est que Valentine, sans arme contre l’embarras inattendu, était pleine de courage pour surmonter une difficulté prévue.

N’osant s’approcher d’elle, Edgar l’admirait en silence ; jamais elle ne lui avait paru plus belle que ce soir-là. Une femme est toujours à son avantage chez une maîtresse de maison qui la protège. Madame de Montbert était pleine de bienveillance pour Valentine, et, ce qui était encore mieux, elle ne recevait pas sa belle-mère.

Mais une confiance plus douce encore embellissait aussi Valentine, une émotion joyeuse la rendait ravissante, même pour ceux qui en ignoraient la cause. Qu’était-ce donc pour celui qui lisait dans son cœur ?

M. de Fontvenel aimait Edgar comme un frère, et se rappelant la grâce touchante avec laquelle il avait prévenu ses désirs dans une affaire importante, il rêvait sans cesse aux moyens de le servir dans ses projets, et de reconnaître la délicatesse de ses procédés en les imitant.

Il avait vu naître l’amour d’Edgar pour madame de Champléry, et, comme il savait Valentine défiante et facile à décourager dans son espoir de plaire, il s’était appliqué à la rassurer sur les sentiments d’Edgar pour elle, et à l’exalter dans sa tendresse naissante par tous les éloges d’une amitié passionnée.

— Il vous aime, croyez-moi, disait-il, je ne l’ai jamais vu si sérieusement attaché. D’ailleurs je le connais, vous seule pouvez lui convenir.

Ces aveux pour le compte d’un autre lui coûtaient sans doute, mais M. de Fontvenel, dans son dévouement, n’osait plus aimer la femme que son ami avait choisie, et il se plaisait à lui faire un sacrifice digne de tous deux, en imposant silence au ressentiment de son amour-propre et aux regrets de son cœur.