Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/89

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Edgar saisit son lorgnon, et bientôt il sut la cause de tout ce trouble. Oh ! que de bonheur il y avait pour lui dans cette découverte ! elle acheva de l’enivrer. « Le voilà donc, se dit-il en souriant, cet étrange secret !… » Jamais madame de Champléry ne lui avait paru plus séduisante qu’en ce moment, parée de sa gaucherie, de son trouble, de son impatience et de sa rougeur.

Aussitôt que cette première émotion fut calmée, il s’approcha de Valentine, résolu de venir à son secours et de la tirer de l’embarras où son ignorance et sa naïveté l’avaient mise.

— Je reconnais bien là le pénétrant Lorville ! dit M. de Salins, il n’a pas entendu ce qu’a dit madame, et je gage qu’il l’a compris.

— Sans doute mieux que vous, reprit Edgar avec une sorte de roideur, car, lorsqu’une femme me fait l’honneur de me parler, je ne comprends jamais que ce qu’elle a voulu dire.

— Il est certain, reprit Valentine avec empressement, que ces messieurs m’ont prêté plus d’esprit que je n’en voulais avoir.

La manière digne dont elle prononça ces mots fit cesser toutes les plaisanteries ; et la conversation, grâce aux soins de M. de Lorville, ayant pris un autre cours, Valentine chercha à s’expliquer comment Edgar, placé si loin d’elle, avait pu comprendre le trouble qui l’agitait et la secourir avec tant d’à-propos. Cette bonté, dans un homme si malin, lui inspira une vive reconnaissance. Elle savait que M. de Lorville ne pouvait être si charitable que pour elle ; il se montrait toujours impitoyable pour l’embarras des femmes qu’il n’aimait pas.

Vers la fin de la soirée, Edgar vint s’asseoir auprès de Valentine, de l’air d’une personne décidée à causer longtemps.

— Permettez-vous à vos amis de vous donner des conseils ? dit-il avec un sourire involontaire.

— Oui, répondit Valentine ; mais je ne permets pas à tous ceux qui ont envie de faire de la morale de se croire de mes amis.

— N’importe, c’est un droit que j’usurpe, et je vous conseille, entre nous, de ne jamais causer avec M. de Salins.