Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/90

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— Pourquoi ?

— Parce qu’il a plus d’esprit que vous sur certains sujets, ou du moins parce qu’il a un genre d’esprit que vous n’avez pas. Vrai, vous pouvez m’en croire, sa conversation ne vous convient nullement ; il n’y a pas d’homme plus dangereux pour vous, si ce n’est moi pourtant.

— Vous ? dit Valentine en souriant ; et pourquoi cela ?

— Un homme qui devine est toujours gênant ; mais rassurez-vous, les secrets que je surprends me sont aussi sacrés que ceux que l’on me confie.

— Mais encore, ajouta Valentine d’une voix émue, faut-il avoir un secret pour vous craindre, et…

— De grâce, pas de fausseté vulgaire, interrompit Edgar, ne cherchez pas à me tromper, cela serait inutile, et ne combattez pas ce pouvoir de pénétration que vous m’avez rendu si cher. Si vous saviez comme toutes vos pensées vous embellissent, combien elles dédommagent quelquefois de vos paroles et vous rendent aimable, vous pardonneriez à celui qui les devine.

— Ainsi, reprit Valentine cherchant à vaincre son agitation, vous croyez que j’ai un secret.

— Oui, répondit Edgar avec une sorte d’embarras.

— Et vous croyez l’avoir deviné ?

— Oui… ah ! n’en rougissez pas.

Les regards de M. de Lorville étaient si pleins de tendresse en disant ces mots, que Valentine fut trompée sur leur signification.

« Il a deviné que je l’aime, se dit-elle, et il pense que c’est là mon secret. »

Ils causèrent ainsi, pendant quelques instants, en poursuivant chacun une idée différente ; mais comme, dans le fond, leur émotion était la même, ils s’entendaient sans se comprendre. Valentine aurait bien voulu punir Edgar de la trop prompte confiance qu’il avait de lui plaire ; mais il paraissait si heureux de cette assurance, qu’il n’y avait pas moyen de la lui reprocher.

Cette soirée décida du sort de M. de Lorville. Valentine venait d’acquérir en un moment plus de droits à sa tendresse