Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/95

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Ainsi tous les défauts de Valentine venaient de cette femme prétentieuse et agitante, dont la vue seule suffisait pour dénaturer son caractère. La douceur monotone de madame de Clairange lui était si insupportable, qu’elle se faisait brusque et impatiente pour éviter de lui ressembler ; l’aspect continuel d’une sensibilité de comédie lui faisait affecter une indifférence coupable pour tout ce qui aurait dû l’émouvoir. Elle devenait ainsi hypocrite à l’envers, et elle s’étudiait à cacher ses bons sentiments avec la même fausseté que l’on met à dissimuler ceux dont il faut rougir.

Combien un tel caractère devait plaire à M. de Lorville ! quel charme il devait avoir pour celui qui savait le deviner ! Edgar le sentit alors, nulle autre femme ne pouvait lui convenir davantage.

Les hommes d’un esprit fin et délicat sont plus difficiles à fixer que les autres. Les femmes fausses les désenchantent, les femmes naïves et qui ne cachent rien de ce qu’elles éprouvent les ennuient. Il faut à leur pénétration quelque chose à deviner, un caractère loyal que des circonstances ont compliqué, un mystère sans cesse renaissant, mais qu’un sentiment pur et généreux explique toujours.


XIX.

Enivré d’espoir et plein de reconnaissance pour son talisman, Edgar l’employait à deviner les vœux, les désirs de Valentine, et à les accomplir avant qu’elle eût pensé à les exprimer.

Si l’on proposait une partie de plaisir qu’il savait devoir l’ennuyer, et qu’elle aurait acceptée par complaisance, il en rejetait l’idée avec empressement. Le spectacle où elle devait s’amuser était toujours celui où il offrait d’aller ; et madame de Champléry s’étonnait à tous les instants de la conformité de leurs goûts.

Il arrivait souvent à Valentine de refuser par délicatesse un plaisir qu’on lui offrait, et dont elle craignait de priver quelqu’un. Un jour qu’elle persistait à refuser une place à