Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/99

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monde, et Valentine se rendit chez elle de bonne heure, mise avec recherche, gracieuse comme une femme satisfaite de sa parure, et animée de cette coquetterie confiante qui rend toujours bienveillante et jolie. Peu de personnes étaient arrivées lorsqu’elle entra chez sa belle-mère, qui s’écria aussitôt qu’elle l’aperçut :

— Ah ! Valentine ! que je vous attends avec impatience ! Je compte sur vous, ma chère, pour faire les honneurs de mon salon, car il faut absolument que je vous quitte. Je cours à l’instant chez ce pauvre M. Laréal, qui s’est cassé la jambe ce matin ; son cabriolet a été accroché par un omnibus d’une si affreuse manière, que le malheureux a failli être tué avec son cheval et son domestique ; vous direz cela, ma petite, à tous ceux qui remarqueront mon absence.

— Mais tout le monde la remarquera chez vous, madame ! dit Valentine en s’efforçant de ne pas sourire, et surprise de l’empressement de sa belle-mère à aller donner ses soins à une personne qu’elle connaissait à peine. Elle voulut lui en faire l’observation et dire quelques mots pour la retenir ; mais voyant que madame de Clairange, décidée à sa bonne action, s’éloignait sans l’écouter, elle se résigna à jouer le rôle de maîtresse de maison, et se prépara patiemment à l’ennui d’expliquer à deux cents personnes, l’une après l’autre, pourquoi madame de Clairange, qui les avait invitées, n’était pas chez elle ce jour-là.

Valentine sentait d’ailleurs que sa belle-mère devait regarder comme une bonne fortune cette occasion éclatante de faire briller sa charité. En effet, n’était-ce pas une merveilleuse idée de madame de Clairange d’avoir réuni chez elle les gens les plus distingués de Paris pour leur apprendre à tous, d’un seul coup, qu’elle était dévouée et bienfaisante, et qu’elle sacrifiait les plaisirs du monde à la douceur de soulager les malheureux !

Au commencement de la soirée, madame de Champléry raconta avec assez d’exactitude, aux dix premières personnes qui la questionnèrent, comment madame de Clairange avait été forcée de se rendre chez un de ses amis qui s’était cassé la jambe, enfin l’histoire du cabriolet, du cheval, de l’omnibus,