Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout ce qu’elle devait dire. Mais elle n’avait pas prévu les nombreuses questions qu’un tel événement devait lui attirer.

— Et quel est donc ce malheureux ami ? lui demandait-on avec inquiétude.

— C’est M. Laréal.

M. Laréal, dites-vous ? Ah !… Je ne le connais pas. C’est un de ses parents peut-être ?

— Non, répondait Valentine avec embarras, c’est… c’est un monsieur… qui s’est cassé la jambe.

Puis elle passait vite à une autre personne pour ne pas éclater de rire ; celle-ci lui disait aussitôt :

— Madame de Clairange serait-elle souffrante ? je ne l’aperçois pas ici.

— Non, madame, elle se porte bien ; mais elle est en ce moment chez un de ses amis qui est malade.

— Ah ! mon Dieu… malade dangereusement ?

— Non pas, j’espère ; mais c’est un accident… une chute ; son cabriolet a versé, et… il s’est cassé la jambe.

— Qui s’est cassé la jambe ? cet étourdi de Guersey, je le parie, s’écrie M. de Fontvenel ; il a la manie d’avoir des chevaux si vifs, indomptables… cela ne m’étonne pas.

Et M. de Guersey, qui était dans l’autre salon, vint lui-même rassurer ceux qui déploraient son imprudence.

Tout le monde voulut savoir pour qui madame de Clairange s’était si généreusement dévouée, et la pauvre Valentine fut encore obligée d’articuler le nom de ce M. Laréal que personne ne connaissait. Enfin, lasse de répéter sans cesse l’aventure de l’inconnu qui s’était cassé la jambe, elle se détermina à répondre que sa belle-mère allait rentrer ; quant à ceux qui ne s’adressaient point à elle, persuadés qu’ils allaient trouver la maîtresse de la maison dans la chambre voisine, elle les laissait errer de salon en salon sans les troubler dans leurs recherches.

Mais bientôt chacun, ayant accompli sa politesse en s’informant des nouvelles de madame de Clairange, oublia qu’il ne l’avait point vue ; Valentine elle-même perdit le souvenir de cet accident, et se livra entièrement au devoir gracieux d’accueillir tout le monde avec bienveillance, de parler à cha-