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LE VICOMTE DE LAUNAY.

le cortège. Mais enfin le voilà. Les cuirassiers s’avancent, ils se séparent ; regardez, ils tournent le bassin, leurs cuirasses se réfléchissent dans l’eau. C’est charmant. — Ceci est la garde nationale à cheval. Ah ! M. L… a un cheval superbe ! Elle est très-belle, la garde nationale à cheval… Le roi !… M. de Montalivet, les ministres ! Ils vont trop vite, je n’ai rien vu. — Voici la reine : — quel air noble ! comme elle est bien mise ! cette capote bleue est ravissante ! — La princesse Hélène regarde de ce côté ; comme elle a l’air jeune ! — Ah ! je ne vois plus que son chapeau ; il est très-joli : il est en paille de riz blanche avec un grand saule de marabout. Sa robe est très-élégante ; c’est une redingote de mousseline doublée de rose. M. le duc d’Orléans est à cheval auprès de la voiture de la reine. — Quelles sont toutes ces femmes dans les voitures de suite ? Quels vieux chapeaux ! quelles robes fanées ! Pour une entrée triomphale à Paris, ne pouvaient-elles pas faire un peu de toilette ? Quoi de plus commun qu’une robe grise avec un chapeau rose ! Le cortège a l’air très-pauvre, les voitures sont fort laides et trop chargées ; on dirait ces commencements de calèches que les carrossiers essayent, et dans lesquelles ils entassent tous leurs ouvriers et tous leurs amis pour savoir si les ressorts sont bien solides. Vrai, le cortège était plus beau à attendre qu’à voir passer.

Enfin elle est parmi nous, cette princesse dont on nous parle tant depuis deux mois ! Son apparition est une surprise agréable ; jamais souveraine ne fut moins flattée, jamais portrait moqueur n’a produit un meilleur effet. Cela prouve que la malveillance sert mieux que la flatterie, et qu’en général les ennemis sont encore plus maladroits que les amis.

L’arrivée de la princesse Hélène en France a été pour nous le contraire d’une illusion. De loin, une erreur semble belle ; mais à mesure qu’on s’approche, le charme s’évanouit ; cette fois, tout s’est passé différemment. Quand la jeune étrangère était encore en Allemagne, on nous disait : « La princesse Hélène ! elle est affreuse ; elle est maigre, sans grâce ; elle a de vilains cheveux roux, un grand pied allemand, une main décharnée ; ses yeux sont petits, sa bouche est grande ; elle est laide comme madame une telle, comme mademoiselle une