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LETTRES PARISIENNES (1837).

telle ! » et l’on nommait les femmes les plus désagréables de Paris. La princesse s’est mise en route… et déjà, après quelques jours de voyage, on commençait à parler d’elle plus favorablement. Ses cheveux n’étaient plus roux, ils étaient d’un blond fade ; elle était laide, mais d’une laideur qui ne manquait pas de distinction. — La princesse arrive à la frontière… Ses cheveux ne sont plus d’un blond fade, ils sont d’un châtain clair ; son pied est assez petit pour un pied allemand ; elle n’est pas laide. — Elle arrive à Metz… Sa physionomie est déjà plus gracieuse, sa tournure est très-noble. — À Melun… elle est faite à peindre, elle a un pied, charmant, une main ravissante. — À Fontainebleau… ma foi, c’est une personne très-agréable. — À Paris, c’est une jolie femme. — Deux lieues de plus, et c’était la plus parfaite beauté du monde. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on nous avait trompés, et qu’il est impossible de revenir d’une erreur avec plus de plaisir. Voici la vérité : la princesse n’est pas une belle femme dans toute la sévérité de ce mot, mais c’est une jolie Parisienne, dans toute la rigueur de cette expression. C’est une beauté gentille comme nous les aimons, jolie figure de capote, jolie taille de mantelet, joli pied de brodequins, jolie main pour un gant bien fait. Elle est trop maigre, dites-vous ; eh ! messieurs, regardez donc chacun les femmes que vous aimez ; elles ne sont pas si fraîches qu’elle, et elles sont maigres à faire peur ; prenez garde, ne blâmez pas ce qui vous plaît. La réalité parisienne est toute dans l’aspect. Nous avons des yeux de diorama, de panorama, de néorama ; les effets d’optique suffisent à la légèreté de nos regards ; nos femmes ne sont pas jolies ; qu’importe ! si elles le paraissent, cela suffit. Être n’est rien ; paraître est tout. Madame la duchesse d’Orléans est donc une jolie Parisienne, une femme comme nous les aimons, nous qui faisons consister la beauté du visage dans la grâce de la physionomie, la beauté de la taille dans l’élégance de la tournure. Certes, en la voyant, vous ne regretteriez pas une grosse belle Allemande, aux traits réguliers, sans expression, à la démarche lourde sans noblesse ; madame la duchesse d’Orléans a même ce grand avantage sur nos merveilleuses de Paris, qu’elle a l’air princesse et qu’elles ont toutes l’air poupées, ce qui pour nous a peu de charme ;