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LETTRES PARISIENNES (1837).

joli. Oui, en cet instant nous aurions accueilli avec reconnaissance le nom de Calpurnie, de Fatime, d’Isménie, ou de Frédégonde ; il nous aurait semblé moins prétentieux que ce doux nom de Marie, qui, à force d’être une mode, n’était plus une distinction.

Après des fêtes de famille sont venues les fêtes de collège ; la distribution des prix a été une des solennités les plus intéressantes de l’année. C’est un beau jour pour les parents, même quand ces parents sont rois. Une mère a dit un mot charmant en apprenant que son fils avait le premier prix d’histoire : « Dans sa position, a-t-elle dit, c’est le prix que j’aime le mieux. » Cette mère est la reine des Français. M. le duc d’Aumale doit être fier de son succès, car, au dire de tous, il était bien mérité. Demandez plutôt à ses professeurs, et à ses camarades surtout. On nous a conté que M. le duc de Montpensier était en train de pêcher à la ligne à Neuilly, lorsqu’on est venu lui apprendre qu’il avait un prix d’histoire naturelle ; sa joie et son émotion ont été si grandes à cette nouvelle, que la ligne est tombée de ses mains, et le poisson qui allait être sa victime s’est sauvé. Cela prouve que la gloire des grands est parfois favorable aux petits… aux petits poissons ; c’est toujours cela..

C’est une heureuse idée que le roi a eue de donner à ses fils le droit d’éprouver une des plus belles émotions de l’enfance, et pour lui-même c’est un doux plaisir de quitter un jour les ennuis du trône pour venir en père de famille voir couronner ses enfants, comme un bon bourgeois. Le seul privilège qu’il se soit réservé, est celui d’amener tous les siens à cette cérémonie, faveur refusée aux autres parents ; car chaque élève couronné n’a la permission d’amener qu’une seule personne, son père ou sa mère : c’est rigoureux, mais il y a tant de monde ! Le duc d’Aumale et le duc de Montpensier avaient donc de plus que les autres le bonheur d’avoir pour témoins de leurs succès tous leurs parents, tantes, sœurs et frères ; on ne les reconnaissait princes du sang entre tous les élèves qu’à ce surplus de famille interdit à tous les autres. Eh ! mon Dieu, c’était peut-être aussi le seul privilège de leur rang qu’on leur enviât !