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LE VICOMTE DE LAUNAY.

notaires héroïques ou des épouses magnanimes, parce que tu te fais à toi-même de douces et caressantes allusions. Molière, sous Louis XIV, n’aurait rien osé te dire ; il a fallu un roi plus puissant que toi pour te faire entendre la vraie vérité ; tu n’aimes que les fictions, et l’on te sert selon tes vœux ; le miroir qui réfléchirait tes traits te ferait horreur, la voix qui t’appellerait par ton nom véritable te ferait fuir ; tu maudirais le génie qui t’apprendrait ce que tu es ; tu le traiterais en ennemi, et tu aurais raison : se connaître, cela est triste.

Ce qui plaît dans tout ceci, c’est que les mères de famille vont se hâter de mener leurs filles voir Marie, et que dans un mois toutes les jeunes filles de Paris auront dans l’âme cette conviction : que leurs petits cousins ou voisins, Charles, Ernest et Alfred, les aimeront pendant dix-sept ans, quels que soient les événements ; mais vous rirez bien, vous, Charles, Ernest et Alfred, en répétant : Le théâtre est le miroir des mœurs.

Cependant les femmes sont en train de sacrifices. Au spectacle, elles portent presque toutes des bonnets pour laisser mieux voir la scène aux hommes placés derrière elles. Cela est généreux ; car, de loin, un bonnet sied moins qu’un chapeau. Nous n’avons rien à dire contre les bonnets ornés de fleurs, c’est une coiffure élégante ; mais nous attaquons impitoyablement les bonnets à rubans. Dans un salon, sans doute, ils ont de la coquetterie ; mais, de loin, ils ont l’air de bonnets du matin. Au spectacle, une femme qui porte une douillette de soie brune et un bonnet de tulle à rubans roses a l’air d’une ouvreuse de loges égarée illégalement dans la salle ; on est en droit de lui demander un petit banc. De loin, tous les bonnets se ressemblent ; on ne peut savoir si le tulle est de soie ou de coton, du matin ou du soir ; il n’y a que les fleurs qui puissent donner de l’élégance à un bonnet lointain. Car enfin, qu’est-ce qu’un bonnet sans fleurs ? une perruque de dentelle, et voilà tout. Or, sans préjugé, la perruque est une chose qu’en général il faut éviter.

La mode, la semaine dernière, était de porter ses vieilles robes et ses chapeaux fanés ; cette mode a passé comme les autres : on s’occupe de la remplacer.

Nous avons attaqué le faux vrai du théâtre, nous ferons