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LETTRES PARISIENNES (1837).

nous étions de retour à neuf heures ! Nous avons mis quatre heures pour faire ce trajet, pour aller et venir. C’est admirable ! les méchants prétendent qu’on irait plus vite avec des chevaux. Voilà comme cela est arrivé. Nous étions rue de Londres à cinq heures un quart ; la foule encombrait la porte qu’on n’ouvrait pas ; nous attendons, nous attendons à la porte. Enfin on ouvre : nous entrons dans une espèce de couloir en toile verte ; il n’y a qu’un seul bureau. Tous les voyageurs sont mêlés : voyageurs à 2 fr. 50, voyageurs à 1 fr. 50, voyageurs à 1 fr. Il n’y a qu’un bureau, qu’une entrée : sans doute, les bœufs et les moutons entreront aussi par le petit couloir ; ce sera très-commode ; mais nous n’en sommes pas encore là. Nous attendons, nous attendons dans le couloir vert un grand quart d’heure, au milieu de la foule, comme nous avons attendu à la porte. Enfin nous arrivons au bureau : là, on nous donne trois petits papiers jaunes, et nous pénétrons dans une vaste salle gothique remplie de peintures. Ici les voyageurs se séparent : les trente sous vont à droite, les vingt sous vont à gauche. La salle est vaste et belle ; on peut nous croire, nous avons eu le temps de l’admirer. Là, nous attendons, nous attendons ; il n’est que six heures dix minutes, on doit partir à sept heures. Patience ! Nous voyons arriver des voyageurs avec des paquets ou des paniers ; des enfants voyageurs charment nos ennuis en jouant de divers instruments dont ils obtiennent des sons plus ou moins sauvages ; les mères grondent les enfants parce qu’ils font du bruit ; elles leur arrachent l’instrument de notre supplice elles s’en emparent à notre grande joie, et elles se promènent graves et imposantes avec une petite trompette ou un mirliton à la main. Le temps passe, et nous attendons toujours ; il est six heures et demie, nous attendons, nous attendons. Enfin on entend un roulement : c’est l’arrivée des voyageurs de Saint-Germain ; tout le monde se précipite aux fenêtres ; toutes les voitures, tous les wagons s’arrêtent ; la cour est vide : çà et là, deux ou trois inspecteurs, rien de plus ; mais on ouvre les portières des wagons… et alors, en un clin d’œil, une fourmilière de voyageurs s’échappent des voitures, et la cour est pleine de monde subitement. Ceci est véritablement impossible à décrire, mais c’est très-amusant à regarder. La