Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
LE VICOMTE DE LAUNAY.

parlera d’une prétendue lettre de Marion Delorme, qui est la plus charmante mystification qu’homme d’esprit ait jamais imaginée et que grand journal ait jamais répétée ; et il vous dira toutes sortes de choses agréables sur ce sujet. Mais ces belles phrases, ces brillants mensonges qui sont très-jolis dans une colonne de journal, dans un livret sont inutiles ; ce n’est pas ce qu’on y cherche, il faut des chiffres exacts, des faits véritables, et pas de bavardages, pas de longueurs surtout. Quand on voyage sur un chemin de fer, on a le droit d’exiger que la phrase que l’on commence en partant soit au moins terminée quand on arrive.


LETTRE VINGT-SIXIÈME.

Imprécations à l’automne. — À vendre séparément deux inséparables.
8 septembre 1837.

C’en est donc fait ! voici l’automne ! en vain nous avons annoncé son retour, elle est venue. Hélas ! il y a huit jours, quand nous avons dit : Elle est là ! nous comptions sur un heureux démenti ; nous espérions que le lendemain un soleil d’été viendrait encore nous confondre et changer en erreur nos vérités de la veille ; mais non, le destin sans pitié nous a laissé avoir raison. La voilà, cette triste automne, cette femme de quarante ans, la seule que M. de Balzac n’ait point célébrée, cette femme d’esprit qui paraît belle encore le soir en grande parure les jours de fête, avec du rouge, avec une robe de velours vert et un turban d’Alger, mais qui les jours de deuil, en négligé, le matin, n’est plus qu’une beauté pâle et fanée ; cette pauvre femme encore séduisante, qui a la vieillesse pour espérance ; cette noble femme encore aimée, qui a l’abandon pour avenir. Automne, fidèle amante du peintre et du chasseur, qu’ils vous chantent, qu’ils vous bénissent, vous n’avez pour eux que des bienfaits ; toutes vos parures sont pour leur plaire ; pour le peintre… vous avez des arbres jaunis, des pampres rouges et des prés verts ; vous avez un petit soleil qu’il peut étudier sans perdre la vue, et dont il peut donner une