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LETTRES PARISIENNES (1837).

Mourir loin de la France après vingt ans d’exil, c’est cruel : comme elle a dû souffrir ! Eh mon Dieu ! sa mère, dont le sort excite tant de pitié, eut une fin moins douloureuse ; par bonheur, son mari, empereur, l’avait répudiée avant qu’on le détrônât, et sa tombe, à elle, est ici !…


LETTRE VINGT-NEUVIÈME.

Classification. — Les races. — Les bilieux et les sanguins. — Les meneurs et les menés. — Les gens qui se lavent les mains et les gens qui ne se lavent pas les mains. — Les hommes-chats et les hommes-chiens.
21 octobre 1837.

Chacun de nous a fait son petit compte rendu de l’espèce humaine ; chacun de nous a bâti un système de division pour classer, selon leurs goûts, leurs vertus et leurs vices, les différentes branches de la grande famille qu’on nomme l’humanité. Les savants ont divisé les hommes par races : la race égyptienne, la race grecque, la race slavonne, etc., etc., etc., et ils ont signalé dans chacune de ces races des traits caractéristiques auxquels on reconnaît tout de suite chacun de ses descendants ; et cette profonde étude les guide dans leurs rapports avec la société, dans le choix de leurs relations : un savant qui croit à sa science ne prendra jamais pour épouse une femme de telle race, ne prendrait jamais à son service un domestique appartenant à la race grecque, par exemple. Les Grecs, dirait-il, sont intelligents, mais ils sont voleurs et gourmands. Par Grecs, il n’entend pas les habitants du Péloponèse, mais bien les gens construits de telle ou telle manière, ayant telle forme de tête, tel pied, telle main, telle mâchoire. « Voleur et gourmand, un Grec me mangerait tout mon sucre, » pense le savant ; et il prend un domestique d’une race plus estimée, race moins intelligente, mais probe et d’une fidélité infaillible ; et ce domestique, qui est un niais, lui laisse voler son argenterie. Voilà où le conduit la science.

Les médecins ont un autre système fondé sur leur art : ils divisent l’humanité par catégories de tempéraments, et ils vous classent à la première vue ; pour eux, on n’est ni monsieur