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LE VICOMTE DE LAUNAY.

se repent sérieusement de n’avoir pas mis : « Je donne ma voix à Rubini… » Le vote facétieux, le bulletin plaisant, est une nouveauté qui a jeté un grand charme sur les élections de 1837. Et ces bulletins mémorables : Flourens et Viennet ; Jacques pour Jacques, j’aime mieux Jean ; et surtout celui-ci : Jobard, quand il n’y a pas de grives, on mange des merles ! méritent d’être consignés dans les annales électorales comme une preuve de la grâce et de la gentillesse que le Français léger et malin sait apporter dans les choses les plus arides.

À propos d’élections, on racontait hier qu’un électeur consciencieux ayant demandé naïvement à ses confrères ce que c’était que les lois de septembre, et personne n’ayant pu lui donner d’explication, un plaisant lui avait répondu : « Les lois de septembre sont le fruit des pensées d’août. » Cette définition, assurait-on, avait satisfait tous les esprits.

On parle aussi d’un autre électeur qui aurait interpellé un candidat au sujet des forts détachés, et qui, voyant l’explosion de rire provoquée par cette vieillerie, se serait adroitement repris de la sorte : « Les forêts détachées, veux-je dire. » — Que ces électeurs sont aimables ! on ne sait pas ce qu’il faut préférer, de leurs bons mots ou de leurs naïvetés, de l’esprit qu’ils cherchent ou de celui qu’ils évitent avec un si rare bonheur.


LETTRE TRENTE-TROISIÈME.

Les lettres adressées au vicomte de Launay.
25 novembre 1837.

Et d’abord, qu’il nous soit permis de nous révolter !… Pas un moment de repos ; ce misérable Courrier de Paris a troublé pour jamais la paix de notre vie : point de gloire et tous les tourments de la gloire, point de crédit et tous les ennuis de la puissance ! c’en est trop : grâce ! grâce ! plus de lettres de dix pages, lettres pleines d’esprit et qu’il faut lire, mais qui prennent tous nos instants ; plus de conseils surtout, et plus de manuscrits ; plus de livres et plus de pommades, vous voyez bien que nous n’en usons pas. Ô correspondants trop aimables, mais, hélas ! aussi trop nombreux, laissez-nous vous conter