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LE VICOMTE DE LAUNAY.

toute émotion violente : c’est ce régime-là qui vous guérit, et non la poudre blanche, qui est parfaitement insignifiante. » — D’accord, nous voulons bien que le régime y soit pour quelque chose. Mais que direz-vous, par exemple, de ceux qui souffrent d’une affreuse névralgie, et qui sont guéris en moins de douze heures ? de ceux que vous avez laissés la veille dans leur lit, criant, gémissant et maudissant la vie, et que vous retrouvez le lendemain, joyeux et fredonnant l’air de la cachucha à l’Opéra ? Est-ce le régime qui les a guéris ? Ont-ils eu le temps de le suivre avec scrupule ? Non sans doute : rendez donc justice à la poudre blanche. Certes, ce n’est pas nous qui l’avons attaquée, nous ne sommes pas ingrat, et nous publions de bon cœur qu’elle nous a guéri plus d’une fois par miracle. Mais, en vérité, nous ne la conseillerons pas à tout le monde. Peut-être ne vous guérirait-elle pas, vous, monsieur, qui êtes un esprit fort, et qui répondriez avec intelligence au médecin qui vous défendrait le vinaigre comme devant nuire à l’effet de tel ou tel médicament : « Le vinaigre est très-sain ; les acides m’ont toujours convenu. » Ni à vous non plus, madame, vous qui êtes une petite-maîtresse, car vous vous révolteriez à votre tour contre le barbare qui oserait proscrire l’eau de bouquet qui parfume votre joli mouchoir, le flacon de sel anglais que vous tenez si gracieusement dans votre belle main, le sachet oriental qui protège vos châles, et l’introuvable gomme d’olivier que vous brûlez dans une cassolette d’or, chaque soir après vos repas : tous ces parfums enfin délicieux et mortels qui font vos délices. « Monsieur, lui diriez-vous avec la même intelligence, les parfums ne me font aucun mal : j’ai eu quelquefois six tubéreuses dans ma chambre, et je ne souffrais pas. » Voilà comme l’homéopathie est comprise. Un médecin habile est chose très-rare, il est vrai ; mais il est une chose bien plus rare encore, c’est un malade intelligent. Ô les malades les malades ! qu’ils sont stupides !… La médecine n’a pas de plus grands ennemis que les malades. L’un croit vous raconter ses souffrances, il ne vous révèle que ses prétentions ; il se sent un homme de génie, il aspire aux maladies cérébrales. Celle-ci est un ange de mélancolie, elle se pare d’un anévrisme au cœur ; celle-là avoue une incurable maladie de