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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Après les princesses royales venaient les princesses de théâtre. Dans les belles premières loges étaient toutes les actrices de Paris : mesdemoiselles Elssler, madame Dorval, mademoiselle Falcon, madame Volnys, mademoiselle Anaïs, mademoiselle Georges, mademoiselle Pauline Leroux, madame Dabadie ; toutes, excepté cependant mademoiselle Déjazet, dont l’absence se faisait vivement sentir. Tous les acteurs de Paris et même de Versailles étaient là aussi, excepté Arnal et Lepeintre jeune : on les a vivement regrettés. Maintenant une première représentation ressemble à la cérémonie du Bourgeois gentilhomme ou du Malade imaginaire ; tous les acteurs de la capitale viennent s’y montrer dans le costume qui leur est le plus avantageux ; c’est un bien beau coup d’œil ; seulement nous trouvons que les groupes de journalistes jetés çà et là nuisent à l’ensemble ; il faudrait exiger que les journalistes vinssent aussi en costume : alors ce serait fort beau ; mais, par malheur, ce piquant spectacle se renouvelle trop souvent. Une si complète réunion est sans doute fort intéressante pour un jeune homme de province arrivé la veille à Paris, et forcé de repartir le lendemain. Ce curieux voyageur doit être très-flatté de pouvoir ainsi contempler dans une seule soirée toute la gent dramatique parisienne ; il peut retourner chez lui et dire, sans mentir : « J’ai vu mademoiselle Mars, j’ai vu mademoiselle Georges. » (Il dit : Mars, Georges, c’est son élégance à lui, ce n’est pas la nôtre.) Il n’est pas obligé de spécifier dans quel rôle il les a vues, de raconter ses impressions et d’imiter ce mauvais plaisant d’une vieille comédie des Variétés, qui prétendait que Talma était un homme très-froid qui n’avait jamais produit sur lui le moindre effet. « Comment, lui disait-on, il ne vous a pas fait frémir dans Oreste ? — Je ne l’ai pas vu dans Oreste ? — Eh bien, dans Hamlet ? — Je ne l’ai pas vu non plus dans Hamlet. — Alors, dans quoi l’avez-vous donc vu ? — Je l’ai vu l’autre jour dans un fiacre, il ne m’a rien fait du tout. » Nous le répétons, pour un jeune provincial, c’est quelque chose que d’apercevoir une actrice célèbre ; mais nous qui avons souvent ce plaisir, nous rêvons un autre public ; nous aimerions à pouvoir admirer dans les loges fashionables, les jours de première représentation, une femme au moins