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LETTRES PARISIENNES (1838).

lui quand il veut n’être que moqueur ; et cette sensibilité involontaire, cette lutte d’un esprit critique et d’une imagination passionnée, sont d’un effet plein de charme. Une larme du diable ! et pourquoi donc le diable a-t-il pleuré ? Parce qu’il a fait une bonne action ; il y a bien de quoi !… Pauvre Satan !

Voilà le sujet, il est digne de l’auteur de Fortunio. Ah ! Fortunio, quelle adorable fantaisie ! comme cet élégant sauvage apprécie à sa juste valeur notre triste civilisation ! Séduisant enfant de l’Asie, que vous avez raison ! Nous avons perfectionné beaucoup de choses, nous avons les coulants Chazal, le cuir podophile, l’appareil Marathuch, l’encrier siphoïde, la pommade au rhum, la Société œnophile, le gaz sidéral et le papier batiste ; mais nous avons laissé aux barbares d’Orient ces trois choses qu’on ne perfectionne point : l’amour, la beauté et le soleil !


LETTRE QUATRIÈME.

Le luxe des ameublements et la vulgarité des manières.
Le confortable insupportable.
25 janvier 1839.

Paris enfin se réveille, la charité est venue au secours des plaisirs, ce n’est pas vainement que nous l’avons invoquée. On était si triste, qu’on ne pouvait se décider à danser que par générosité. Cette fois, les malheureux ont rendu service aux heureux, ils ont ramené la gaieté et les fêtes ; on leur doit beaucoup, ils se sont acquittés d’avance envers leurs bienfaiteurs. Le bal de la Liste civile annoncé pour lundi sera, dit-on, le plus magnifique qu’on ait jamais vu ; tous ceux des années précédentes, si beaux, si élégants, si merveilleusement ordonnés, ces pyramides de fleurs, ces murailles de glaces, ces soleils de bougies, ces galeries d’arabesques succulentes, ce souper fleuri, cet orchestre enivrant, cette pompe, cette élégance, cet éclat, tout cela n’était rien en comparaison de ce qu’on promet au Cercle des Deux-Mondes. Depuis longtemps déjà on nous parlait de ces vastes salons comme d’un séjour royal, et nous ne pouvions nous empêcher de faire à ce sujet de graves réflexions sur les inconcevables progrès qu’a faits