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LE VICOMTE DE LAUNAY.

fort ; personne plus que nous n’admire une maison bien tenue, cette recherche de tous les détails, cette hospitalité de toutes les richesses, cette bienveillance de tout l’ameublement, cette familiarité de la demeure, où chaque chose paraît avoir été choisie pour vous, où chaque objet semble chargé par le maître de vous séduire particulièrement et de vous engager à rester chez lui longtemps. Nous faisons le plus grand cas de ce perfectionnement d’une haute civilisation, mais nous ne voulons pas qu’on lui consacre sa vie ; nous ne voulons pas que cette préoccupation devienne la pensée dominante ; nous ne voulons pas que ce besoin soit un tourment ; nous ne voulons pas que la prétention du bien-être devienne un malaise, un effort, un sacrifice, que l’on vous fasse apprécier à tout moment. On a sans doute très-bien fait d’emprunter aux Anglais leur comfort, mais on aurait dû en même temps leur emprunter la manière de s’en servir, c’est-à-dire la simplicité, ou plutôt cette noble indifférence qui leur fait donner au luxe le plus fastueux l’air d’une habitude journalière. Il ne faut pas que ce qui n’est au fond qu’un intérêt de ménage devienne un sujet grave de conversation. Aujourd’hui, pendant tout le temps que l’on prend le thé, on s’entretient de la théière, de la fontaine à thé, du plus ou moins de luxe du service. À dîner, on s’occupe attentivement de l’argenterie et de la porcelaine ; les cristaux ont aussi leur importance ; la tenue des gens, les valets de pied, les chevaux, les cochers poudrés, fournissent à la conversation tout le reste de la soirée. Les convives, on ne s’en inquiète pas ; le dîner lui-même occupe assez peu ; l’important est de savoir s’il est servi à la russe ou à l’anglaise ; si vous verrez les plats en nature ou par écrit, si l’on vous donnera un menu, si cela se fera comme chez madame de W…, ou comme chez madame de L. M… ; toute la question est là. Dernièrement, un de ces faux Anglais priait à dîner fort gracieusement un de nos amis : « Venez dimanche, disait-il avec instance ; ce jour-là nous aurons… » Puis quelqu’un vint l’interrompre… « Qu’est-ce qu’ils auront à dîner ? pensa notre ami ; quelque homme intéressant ; Lamartine…, ou Balzac, qui revient d’Italie ? »

Une autre idée lui vint aussi, c’était un gastronome érudit :