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LETTRES PARISIENNES (1838).

suis ? Eh bien ! ces folles plaisanteries n’ont-elles pas été impuissantes ? Non-seulement Victor Hugo n’a rien perdu de son rang poétique, mais il est le fondateur reconnu et le chef d’une école régénératrice ; non-seulement il a des admirateurs, des imitateurs, des sectateurs, mais il a plus encore, il a des séides, comme Mahomet.

Chose étrange ! ces trois hommes que le ridicule a le plus constamment persécutés sont justement les seuls hommes en France qui aient du prestige… et vous viendrez encore nous dire : En France, le ridicule tue tout… Non, non, vous ne nous direz plus cela.

On disait encore : L’esprit court les rues. Mensonge ! — Quelqu’un a répondu : « Il court donc bien vite, qu’on l’attrape si rarement ! » Ce quelqu’un avait raison : rien de si rare que l’esprit, demandez plutôt à ceux qui en achètent et surtout à ceux qui en vendent.

On dit enfin : Il est si difficile de se faire un nom à Paris ! Mensonge ! rien n’est plus facile aujourd’hui. Il paraît chaque matin, il s’imprime chaque semaine cent journaux ennemis et vingt revues rivales qui ne savent que dire, et qui s’estiment trop heureux quand vous voulez bien leur fournir gratis quelques pages amusantes, quand vous leur donnez l’occasion de dire un peu de mal de leur ennemi en vous vantant. Rien n’est plus facile pour un jeune homme de talent que de se faire un nom dans les journaux. Demandez plutôt à ces vieux journalistes sans talent qui sont si célèbres.


LETTRE DIX-SEPTIÈME.

Les orages et les émeutes. — Le tournoi d’Eglington. — Les usuriers.
29 juin 1839.

Cette semaine, les sujets de conversation ont été peu récréatifs ; on passait les heures de douces causeries à raconter des orages et à prédire des émeutes. Quelquefois ces sombres idées s’entremêlaient : les unes paraissaient la conséquence des autres ; on prétendait que de pareilles tempêtes avaient signalé la plus fatale année de la révolution. Et l’on en con-