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LE VICOMTE DE LAUNAY.

dans leurs plus nobles rêves. On s’est moqué de leur style, de leur parole, de leurs aventures, des moindres détails de leur vie privée. Voyez M. de Chateaubriand, on a remplacé son grand nom par les sobriquets les plus risibles. À ses débuts, Chénier, spirituel comme le doute et amer comme le remords, Chénier l’a frappé d’un coup que l’on croyait mortel. Rien de plus plaisant que son compte rendu d’Atala. Le nez du père Aubry aspirant à la tombe ; le Crocodile de la fontaine ; cette chanson sauvage : Réjouissons-nous, nous serons brûlés au grand village ! et cette fameuse phrase : Orages du cœur, m’écriai-je, est-ce une goutte de votre pluie ? Toutes ces expressions y étaient relevées de la façon la plus comique. Quel style a été plus parodié, plus critiqué ! Que de bons mots heureux et pénibles ont été faits contre ce beau talent ! Vous le savez, depuis trente ans, les sots tournent en ridicule l’auteur de René ; et cependant, quand il passe dans la rue et qu’on le reconnaît, les jeunes gens le portent en triomphe et le proclament le génie de notre époque.

N’a-t-on pas aussi abreuvé de ridicule et d’ironie l’orateur, sublime amant d’Elvire ? ne lui a-t-on pas crié comme une injure son beau titre de poëte chaque fois qu’il montait à la tribune ? n’a-t-on pas traité ses plus nobles sentiments de fictions et de chimères ? On lui a dit qu’il plantait des betteraves dans les nuages, que sa conversion des rentes ne valait pas sa conversion de Jocelyn, et mille autres niaiseries semblables… Et cependant cet homme, dont l’éloquence fut si longtemps tournée en ridicule à cause de ses qualités mêmes, est aujourd’hui un des premiers orateurs de la Chambre, celui que les étrangers, les hommes de province, sont le plus curieux d’écouter, celui qu’ils cherchent sur les bancs avec le plus d’empressement, celui pour qui ils disaient, il y a quelques jours, avant la fin de la séance, ce mot si flatteur que nous avons entendu : « Allons-nous-en, M. de Lamartine n’y est pas. »

Et Victor Hugo ! ne l’a-t-on pas aussi quelquefois tourné en ridicule ? Vous rappelez-vous la pâte de guimauve que l’on faisait manger à Hernani dans la parodie du Vaudeville, et le vieil as de pique pour le vieillard stupide, et cette plaisanterie si rebattue : Oui, je suis de ta suite, de ta suite j’en