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LETTRES PARISIENNES (1839).

coquettes hypocrites qui n’entendent pas la plaisanterie. Dites-leur vite que leur robe est charmante ; elles ne vous pardonneraient jamais de ne pas l’avoir remarquée. Ne leur dites pas deux fois que vous les aimez ; elles désirent vous croire.

Défiez-vous des femmes à toilettes jansénistes, de ces robes montantes et collantes qui dessinent tous les contours de la taille comme un corset avec une pudeur si malintentionnée. Ces femmes sont pleines d’orgueil et de jalousie. Elles ont un caractère de fer et les passions de feu. Rien n’échappe à leurs regards toujours baissés.

Défiez-vous des femmes à parures tragiques, à turbans improvisés, qui ont toujours dans un salon l’attitude de Roxane reconnaissant l’écriture de Bajazet. Ces femmes-là sont dévorées du besoin de produire de l’effet, cette manie les mène très-loin ; quand les moyens permis sont épuisés, elles arrivent à ne plus choisir, et Dieu sait jusqu’où peuvent aller ces actrices de salon !

Défiez-vous des femmes qui, avec une fortune médiocre, ont de magnifiques diamants. Vous ne savez pas ce qu’il leur en coûte pour arriver à cet éclat. Elles se privent de tout, même d’enfants ; elles ont une cuisinière pour femme de chambre, un domestique hebdomadaire pour frotter leur appartement, et un mari facticement nourri de pommes de terre et de haricots, pour leur donner la main et les mener dans le monde, couvertes de leurs diamants. « Vous avez là une superbe agrafe, leur dit-on. Ces diamants sont d’une très-belle eau. — J’aimerais mieux de bon vin ! » dit le mari. On prend cela pour une plaisanterie assez vulgaire, mais on en rit par politesse. « Puis les haricots sont bien indigestes ! » ajoute-t-il en soupirant ; et l’on n’y comprend plus rien. Nous qui connaissons les misères de cette splendeur, nous vous les expliquons.

Voulez-vous savoir ce que nous appelons toilette d’envieuse ? C’est un assemblage de couleurs vagues et fausses dont le destin est d’exprimer une modestie implacable ; la robe d’une envieuse n’est ni rose, ni bleue, ni verte, ni noire, ni rouge, ni blanche ; elle est en mousseline de laine tourterelle à dessins brouillés ; son châle est couleur suie ; son chapeau est marron, orné de rubans glauques à filet brun ; elle ne porte jamais de