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LE VICOMTE DE LAUNAY.

En 1812, une jolie femme, au risque de déplaire à son mari, refusait gracieusement d’aller passer l’été dans ses terres ; aujourd’hui c’est tout différent, les femmes vont s’enterrer très-volontiers dans leur vieux château, devenu très-confortable ; elles ont soin de se créer dans le voisinage un vague intérêt romanesque qui suffit pour leur faire aimer le chant du rossignol, la fraîcheur des ruisseaux et la solitude des bois. Celles qui n’ont point cette ressource supportent courageusement les langueurs de la campagne en songeant au bien-être de leurs enfants ; l’air de Paris est si mauvais pour eux qu’elles se consolent d’avoir quitté la ville, et, nous l’avons déjà dit, l’amour maternel est la passion des Parisiennes : pour ses enfants, une Parisienne est capable de tout, même de s’ennuyer avec plaisir.

En 1812, les femmes riches étaient grondées par leurs maris parce qu’elles portaient beaucoup de chapeaux de paille de cinq cents francs, et faisaient de folles dépenses pour leur parure. — Aujourd’hui, les femmes très-riches courent les magasins au rabais, et rentrent toutes glorieuses quand elles ont trouvé des capotes à vingt-deux francs et des bonnets de tulle à sept livres dix sous. Là nous trouvons encore cette même inconséquence d’un luxe mal placé. Les femmes qui n’ont point de fortune sont les seules qui se parent chèrement ; les autres, en général, sont plus qu’économes. Elles font de larges aumônes, il est vrai, et donner vaut mieux que dépenser, en morale et en charité, sans doute, mais non pas en économie politique. Les douze mille francs que madame va distribuer aux pauvres auront été par le fait moins profitables à la fin de l’année, que les douze mille francs que mademoiselle va dépenser pour sa toilette. — Comment cela ? — Rien de plus simple : on donne en secret, et l’on dépense en public ; on agit alors par l’exemple ; cela est triste à dire, mais cela est vrai : une robe neuve que l’on montre fait plus de bien en réalité qu’une bonne action que l’on cache. Donner, ce n’est que donner ; dépenser, c’est faire dépenser ; d’ailleurs, dépenser, c’est être généreux aussi, et généreux à coup sûr, car c’est donner à qui travaille.

En 1812, une jolie femme se jetait dans sa voiture en