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LETTRES PARISIENNES (1839).

le jeune auteur incrédule a été lui-même le héros de plus d’une aventure, et dernièrement encore, un jaloux poursuivant un rival, et trompé par une ressemblance, a failli le tuer. Conclusion : bizarrerie de notre temps, évènements romanesques et mœurs bourgeoises ; ceci vous explique l’origine du roman intime.


LETTRE VINGT-SIXIÈME.

Récits des plaisirs de l’été. — Je me suis amusé. — Je me suis ennuyé.
L’embonpoint capricieux.
22 novembre 1839.

Paris commence à revenir de la campagne, et nous revenons avec lui. Que pouvions-nous dire en son absence ? À quoi sert d’être écho fidèle quand on n’a rien à répéter ? Maintenant tout se ranime, la morte-saison est passée, voilà l’hiver, réjouissons-nous ; la pluie tombe par torrents, le vent souffle avec fureur, vivent le déluge et l’aquilon, heureux présages des plaisirs !

La conversation des salons en ce moment est une longue suite de questions pour la plupart sans réponse. Les arrivés d’hier disent avec empressement : « Je ne sais rien ! que fait-on ? que lit-on ? que joue-t-on ? de quoi parle-t-on ? quelle pièce faut-il aller voir ? quelle est l’étoffe à la mode ?… »

Les habitants de Paris reprennent : « D’où venez-vous ? qu’avez-vous vu ? quelle nouvelle rapportez-vous ? Étiez-vous à R… en même temps que madame de P… ? Avez-vous rencontré aux eaux d’Aix la duchesse de G… ? Avez-vous joué la comédie au château de G… ? »

Dans les premiers moments du retour, le dialogue est fort embrouillé ; bientôt, heureusement, la médisance l’éclaircit. « J’ai passé un mois chez les Demersac, dit l’un ; Dieu, que j’ai eu froid dans leur vieux manoir ! C’est très-beau, le donjon est admirablement bien conservé, mais c’est un vrai grenier. — Oh ! ce devait être affreux ! le moyen âge n’est supportable qu’avec un poêle dans chaque chambre. — Un poêle ! bah ! nous n’avions pas même un fagot dans la cheminée. Demersac est un homme administratif ; jamais chez lui on n’allume de