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LETTRES PARISIENNES (1840).

homme, et pourquoi était-il représenté dans cette situation ? était-ce un solitaire, un devin, un frère quêteur ? nous ne pouvions deviner qui il était, et vraiment il aurait fallu être le Sphinx lui-même pour le deviner. Cela voulait dire : Personne (père sonne). Ô mystère ! ô difficulté ! où sont les hommes de génie qui inventeraient aujourd’hui de ces choses-là !

Mais ce n’est rien ; il nous souvient encore d’un certain rat courant sur une maison, qui a cruellement intrigué notre jeune imagination ; et cependant ce rat vulgaire voulait dire une bien douce parole, le mot le plus doux qu’on puisse entendre, celui qui sait calmer toutes les inquiétudes, qui apaise la jalousie, qui fait taire les soupçons, qui rend la joie (et rendre le bonheur, c’est plus encore que de le donner) ; le mot le plus charmant, qui affirme les plus heureuses choses, qui signifie : Elle viendra ! Il n’est point parti ! Elle n’est pas morte ! Il n’est point blessé ! Elle n’est point infidèle !… qui nous dit : Aie confiance, espère, aime sans crainte ; ce mot divin : Rassure-toi ! (Rat sur toit.)

Quels vers remplaceront jamais ces aimables devises dont s’enveloppaient jadis les bonbons de nos pères ! Que d’heureuses pensées ! quelle agréable philosophie !

Amis, consacrons nos beaux jours
Au vin, aux plaisirs, aux amours.

Quelle franchise ! on n’oserait plus dire cela aujourd’hui. Nos beaux jours se passent à parler politique dans des cafés pleins de fumée.

L’amour me guide avec mystère
Près de ma charmante Glycère.

Qui pourrait s’appliquer maintenant cette devise ? Aujourd’hui l’on se promène au grand soleil sur le boulevard en donnant le bras à Glycère, et l’on ne va avec mystère que dans les clubs suspects pour s’associer à quelques ténébreux complots. Le mystère, dans notre siècle, n’appartient plus à l’amour ; il appartient à la haine et à l’envie.

Dans cette suave poésie, la douleur même avait un calme plein de grâce ; un bonbon disait :

L’inconstance de ma Sylvie
Fait le déplaisir de ma vie.