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LETTRES PARISIENNES (1840).

libéraux de mauvaise foi, qui prêchez le principe des majorités et qui excluez des affaires le plus grand nombre. N’est-ce pas une chose étrange que d’entendre un ministre de la révolution de Juillet déclarer à la face du pays qu’il ne veut pas d’une réforme électorale ? Et de quel droit n’en voudrait-il pas ? Qu’est-ce donc que le gouvernement représentatif, si ce n’est le gouvernement des majorités ? Choisissez alors franchement, messieurs, il n’y a que deux manières de gouverner : ou par les minorités, c’est-à-dire les supériorités, comme c’était autrefois, alors que l’on voyait marcher à la tête de la nation les hommes les plus considérés, les plus instruits, les plus braves, les plus dignes ; — ou par les majorités, c’est-à-dire par les masses et les intérêts généraux. Le pays doit appartenir aux plus nombreux, ou aux plus capables. Êtes-vous le gouvernement des minorités ? êtes-vous les plus capables ? — Non. — Alors, soyez les plus nombreux, et ne repoussez pas maladroitement ceux qui prétendent arriver en vertu du principe qui vous a amenés. — Pour parler votre jargon, nous ajouterons : Puisque vous n’avez pas la qualité, ayez du moins la quantité.

On devine, par ce que nous disons des éléments dont se compose le faubourg Saint-Germain, qu’il ne doit ressembler en rien aux étranges portraits que l’on fait de lui. Et comment pourrait-on croire que ce monde, qui professe tous les nobles sentiments, non-seulement, par devoir, mais par bon goût ; qui, n’ayant ni sa position ni sa fortune à faire, a par conséquent tout le temps de s’instruire, d’apprendre à bien vivre et à être aimable, où les ridicules même sont gracieux, puisqu’ils ne sont que des exagérations d’élégance ; où l’on aime les beaux-arts avec passion, et les gens d’esprit avec courage (il y en a de dangereux) ; où les méchantes actions, les médisances grossières, les prétentions orgueilleuses, les affectations hypocrites, les susceptibilités mesquines, les fadeurs importunes, tout ce qui choque, ce qui humilie, ce qui afflige, est flétri par ce mot : « C’est de bien mauvaise compagnie ! » comment pourrait-on croire que ce monde-là se plaise à des conversations triviales, à des équivoques sans gaieté, à des plaisanteries de la dernière inconvenance, dont le parterre même d’un petit théâtre aurait le droit de s’offenser ?