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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Non, le grand monde a meilleur goût que cela. Ses aimables et belles duchesses ne sont pas telles qu’on nous les montre. Un commérage insignifiant n’est pas le genre de conversation qui les intéresse le plus, et dans leurs salons élégants, les dandys de profession ne sont pas les hommes les mieux traités.

On ne leur dit pas si facilement et si promptement qu’on les aime, car il y a presque toujours auprès d’elles de beaux enfants aux cheveux blonds qui courent çà et là sur les tapis, et qui viendraient souvent interrompre les téméraires déclarations. Une petite fille de quatre à cinq ans est une duègne bien sévère, et la passion maternelle, qui est la passion dominante chez les femmes de notre époque, si elle ne préserve pas toujours des séductions d’un autre amour, laisse du moins peu de moments aux complications des grandes coquetteries.

Mais tout en vous disant ce que le grand monde ne fait pas, nous oublions de vous raconter ce qu’il fait. Depuis huit jours il danse, il danse avec fureur. Le bal donné mercredi à l’ambassade d’Autriche était magnifique. Jamais on n’avait vu tant de belles femmes et tant de diamants. On admirait, entre autres, une robe qui avait un tablier de diamants : c’était merveilleux !

Nous avons entendu hier d’excellente musique. D’abord la harpe de Labarre, puis cette belle romance que nous aimons tant : la Fille d’Otaïti. Une jeune personne qui était à côté de nous, après avoir admiré comme tout le monde l’air, qui est superbe, a demandé : « De qui sont les paroles ? je les trouve fort belles aussi. — Elles sont de Victor Hugo, mademoiselle. — Ah ! je devinais bien qu’elles n’étaient pas d’un faiseur de romances. »

Il est certain qu’après une douzaine de bergerettes et de bachelettes, de châtelaines et de souveraines, de bonne mère et de pauvre Pierre, de gentille Colette et de douce Nicette, de chaumines et de gondolines, de nacelles et de balancelles, une solide strophe de Victor Hugo est un beau réveil.

À propos de chansonnettes et de romances, nous avons entendu l’autre jour, à la Chambre des députés, M. Monnier de la Sizeranne, et nous nous sommes rappelé avec plaisir, c’est-à-dire avec regret, le temps où l’honorable orateur ne faisait que chanter. Il y a déjà bien des années de cela, et nous