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LETTRES PARISIENNES (1837).

qui devait être un caprice ; et pourtant, dans son principe, quel jour plus naturellement heureux que celui-là ! Quel plus charmant usage que cet échange de souhaits au commencement d’une nouvelle année ; que d’affection dans cette idée superstitieuse d’un ami qui entre chez vous en disant : « Je veux commencer l’année avec toi. » Quoi de plus charmant que ces petits enfants qui mesurent le temps par les bonbons qu’ils reçoivent à jour fixe ; qui savent qu’ils ont un an de plus par les joujoux qu’on leur apporte ; qui comprennent que la raison leur vient au changement qui s’opère dans ces présents annuels ; qui sentent que l’enfance s’éloigne quand le polichinelle se change en livre, quand le ménage se change en pupitre à écrire, quand le pupitre enfin se métamorphose en étui de mathématiques ? À cet âge, une année est chose importante ; le temps alors, c’est l’éducation, et l’éducation, c’est la destinée : il faut bien faire comprendre à l’enfant ce qu’il a fait de l’année qui s’achève ; il faut le récompenser s’il l’a bien employée ; et s’il l’a perdue, il faut l’encourager à mieux employer celle qui commence. Oh ! pour les enfants, vivent les étrennes !… Les étrennes pour eux, c’est une leçon, c’est une pensée, c’est la première émotion de leur jeune âme. C’est un puissant moyen d’instruction aussi : vous leur apprenez en un jour deux lois immortelles : la plus puissante loi de la nature, la plus puissante loi de la société : le temps et la propriété. Oui, riez, mais cela est vrai : l’enfant apprend le même jour qu’il a vécu une année, une année qui ne reviendra plus ; il apprend aussi que le jouet qu’on lui donne lui appartient à lui seul, qu’il peut le briser sans qu’on le gronde, que nul n’a le droit de le lui prendre, qu’il peut le donner enfin, ce qui est la plus grande preuve de la possession.

À propos de cela, on nous contait hier l’histoire d’un petit enfant qui sera sans doute un jour un grand philosophe ou un affreux avare. Jules de M… a quatre ans à peine ; dimanche il est allé chez son grand-père pour lui souhaiter la bonne année. « Ah ! te voilà ! s’est écrié M. B… en embrassant son petit-fils ; ma foi, mon pauvre enfant, ce maudit événement du 27 m’a empêché de penser à toi ; j’ai oublié tes étrennes, mais voilà de quoi te dédommager. » Et M. B… tira de son porte-