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LETTRES PARISIENNES (1840).

davantage. — Les N… ne sont pas si riches qu’on le croit ; les D… sont beaucoup moins pauvres qu’ils ne le disent. — Cette jeune fille a un amour dans le cœur. — Cette autre ne se mariera jamais, à cause de sa mère. — M. de R… ne va plus chez madame de P… — Les Demarcel sont brouillés avec les Marilly. — Le petit Ernest est très-occupé de madame de T… ils étaient hier ensemble au Gymnase. — La jolie duchesse de ***, qui monte si bien à cheval, rencontre souvent par hasard au bois de Boulogne le prince de ***. — M. X… a vendu son poney au grand J…, qui ne pourra jamais le monter. — Les pauvres Z… ont supprimé leur voiture. — Les petites de T… sont devenues des héritières par la mort d’un jeune oncle. — Madame S… est bien attrapée d’avoir épousé un vieux mari qui se porte mieux qu’elle. — Les Saint-Bernard ne vont plus en Italie ; ils viennent d’acheter le château de *** ; etc. etc. — Voilà ce qu’on dit à peu près chez ces femmes-là. Leur magnifique salon est une loge de portier.

D’autres grandes dames sont nées… il faut bien dire le mot… sont nées courtisanes. En vain leur excellente éducation les a préservées de tout mauvais goût ; malgré elles, et par une pente insensible, elles sont redescendues au triste rang que la nature leur avait imposé. Elles aiment le bruit, l’agitation, le désordre, et même un peu de scandale. Elles s’habillent d’une manière inconvenante, elles font événement partout. Elles ont horreur du repos ; au spectacle, elles changent de place à chaque moment ; elles vont boire dans le foyer ; elles affectent des peurs enfantines, et poussent des cris aigus pour le moindre accident. Elles aiment les cadeaux dans toutes les anciennes acceptions du mot, c’est-à-dire les soupers fins et les présents coûteux ; elles se laissent donner ou plutôt elles se font offrir des bijoux, qu’elles portent naïvement, non de ces bijoux insignifiants qui ont d’autant plus de prix qu’ils ont moins de valeur, qui ne sont précieux que par le souvenir, et que l’on nomme avec raison des sentiments ; mais de vrais bijoux ayant un poids véritable, de gros joyaux estimés dans le commerce, qu’un père et un grand-oncle ont seuls le droit de donner. Dans le salon de