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LE VICOMTE DE LAUNAY.

ils parurent tous le soir au spectacle dans la loge du gouverneur ; ils furent accueillis avec un enthousiasme qui tenait du délire. Le frère de M. Montgolfier, qui était au parterre, ayant été reconnu, les spectateurs lui firent subir à son tour une ascension triomphale, et l’élevèrent dans leurs bras jusqu’à la loge du gouverneur, où on le força de s’asseoir avec les héros de la journée. Ce qui n’empêcha point les mauvais plaisants du pays de faire sur cette aventure plus d’une chanson, que les canuts savent encore, et où l’on tourne en ridicule ces audacieux partis pour les cieux, qui n’ont pu sauter plus haut que les grenouilles dans les marais de Genissieux.

Maintenant que nous en avons fini avec les ballons de 1837 et de 1784, disons que le bal de l’ambassade d’Autriche était éblouissant de diamants. Les diamants et les cheveux sont redevenus à la mode. Des diamants ! on en met tant qu’on en a et même plus qu’on n’en a ; des cheveux ! on en porte à profusion, on fait valoir tous ses cheveux et même aussi ceux des autres. Pendant le bal, on ne parlait que des magnifiques diamants de la duchesse de S… « Les avez-vous vus ? disait-on, elle en a au moins pour deux millions sur la tête ; » et l’on partait, et l’on traversait la salle de danse et les salons pour aller voir le magnifique diadème ; et l’on se pressait et l’on entourait madame la duchesse de S…, dont les beaux yeux et le charmant visage donnaient bien des distractions à ceux qui étaient venus pour admirer sa parure.

Paris danse, Paris saute, Paris s’amuse de tous côtés ; et il se hâte, car le mercredi des cendres est à la porte. Tous les quartiers sont en émoi ; le faubourg Saint-Honoré saute, vous le savez ; c’est un effet du gaz déjà connu, mais il danse aussi maintenant ; les grands bals commencent. Le faubourg Saint-Germain ne saute pas, lui, il croule ; mais il valse aussi, car il a jugé convenable de faire trêve au deuil de cour et de cœur en faveur des jeunes personnes. On donne de petites soirées modestes qui évitent tout ce qui ressemble à un bal, la danse par exemple ; on n’y danse pas, mais on y valse ; c’est plus triste, c’est plus convenable, cela semble un hasard. Quelqu’un se met au piano, joue une valse pour elle-même, parce qu’elle est jolie : alors chacun l’admire ; on la fait répéter, on l’admire