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LETTRES PARISIENNES (1837).

Belj., sous prétexte qu’il était prince ; l’un d’eux s’était, dit-on, écrié : « Ah bien, nous, si nous tombons dans les princes, je n’en suis plus. » Il paraît que cette menace n’a effrayé personne, et le prince de Belj. a été reçu à une très-forte majorité ; mais les rebelles soutiennent encore que c’est comme artiste qu’on l’a reçu, et que son beau talent a pu seul faire pardonner son titre de prince. Avis aux grands seigneurs qui ne savent ni peindre ni chanter ; messieurs les artistes, voyez-vous, sont de bons enfants qui n’ont point de préjugés ; en voici la preuve. Cependant il est assez simple que des jeunes gens qui se réunissent pour mettre en commun leurs talents ne se soucient point de faire de frais pour des spectateurs inutiles, pour des ennuyeux dédaigneux, d’amuser enfin des gens qui ne pourraient pas le leur rendre ; car le Cercle des Arts n’est pas seulement, comme les autres cercles de Paris, un club où l’on vient jouer au whist, et dîner à une grande table ; c’est de plus une salle de concert où nos voix les plus célèbres se font entendre ; c’est de plus un musée où les tableaux de nos meilleurs peintres seront exposés. Or, dans une assemblée où chacun paye de sa personne, on a le droit de regarder comme ennemis tous ceux qui n’y sauraient rien faire ; il est vrai que ceux-là ont la ressource de fumer. La passion du cigare devient si générale, que nous connaissons des maisons fashionables où l’on fait arranger une salle à fumer, comme on a une salle à manger. Au Cercle des Arts un des salons est exclusivement consacré à cet exercice. Nous avons entendu, à propos de cela, un dialogue assez amusant. « Eh bien, mon cher, pourquoi ne viens-tu jamais à notre cercle ? on y est très-bien, tu as tort. — Moi ? mais j’y vais tous les jours, et je ne t’y ai pas encore vu ; où donc te caches-tu ? — Je ne me cache pas, je vais fumer là le soir mon cigare après dîner. — Et moi aussi, te dis-je. — Eh bien, alors… Ah ! c’est la fumée ; le fait est qu’on n’y voit pas. » Cela est exact, nous n’inventons rien, nous l’avons entendu, et les personnes qui ont eu un ami à chercher dans ces ténèbres de fumée nous croiront facilement.

Nous avons lu dans un nouveau journai la phrase suivante : « Rossini a épuisé la source des lauriers, c’est ce qui fait que nous ne pouvons pas en vouloir au nouveau compositeur s’il