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LE VICOMTE DE LAUNAY.

n’a pas pu en trouver quelques-uns à cueillir. » La phrase n’est certainement pas élégante, mais l’image est si nouvelle ! comment n’en être pas frappé ? La source des lauriers, quelle admirable expression ! comme elle vous donne tout de suite le droit de dire les racines de mes larmes !

Les animaux commencent à jouer un rôle sur nos théâtres ; on avait essayé un effet de chèvre dans la Esméralda, mais la pauvre bête n’a jamais pu apprendre son rôle. Dans le Mari de la Dame de chœurs, il y a une affreuse chienne, nommée Rosette, qu’on peut regarder comme l’héroïne de la pièce, et voici maintenant qu’on prépare un ballet dans lequel mademoiselle Essler et une chatte blanche doivent rivaliser de grâce et de souplesse. Feu le chien de Montargis doit être bien jaloux.

On nous écrit à l’instant : « Je regrette bien que votre grippe vous ait empêché de venir hier soir au bal Musard, à l’Opéra. C’était une fête dont rien ne peut donner l’idée : six mille personnes dans la salle, et deux mille à la porte qui n’ont pu entrer. Toutes les loges prises ; celles du roi, de M. le duc d’Orléans, envahies par des gens qui ne savaient où se réfugier. Les costumes les plus pittoresques, les danses les plus vives, les plus passionnées. La police point taquine, et pas le moindre désordre ; mais ce qu’il y a eu de remarquable, l’événement de la nuit, c’est le triomphe de Musard, porté sur les épaules de six des plus beaux danseurs, et promené dans toute la salle, aux acclamations, aux applaudissements de toute la foule. La figure de Musard était rayonnante ; c’était le roi des ribauds.

« Pardon, si je vous écris si tard, je viens de me réveiller.

« Dix heures du soir. »

Une autre personne nous écrit : « Vous avez bien fait de ne pas venir avec nous hier au bal Musard, à l’Opéra. C’était une cohue épouvantable ; on ne comprend pas qu’on puisse s’amuser à de pareils plaisirs. Il y a eu bien des batailles où l’on courait moins de dangers. Un jeune homme est tombé au milieu du galop, tout le galop lui a passé sur le corps ; on l’a relevé dans un état affreux ; puis les danses les plus scandaleuses, un désordre épouvantable. J’ai eu, pour ma part, un pan de mon