Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/125

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manière si opposée, que ce que l’une nomme perte, l’autre l’appelle profit, et vice versâ.

Ainsi, le négociant qui a acheté en France pour 10 000 fr. de vin, et l’a vendu pour le double de cette somme aux États-Unis, recevant en payement et faisant entrer en France 20 000 fr. de coton, croit avoir fait une bonne affaire. — Et la balance du commerce enseigne qu’il a perdu son capital tout entier.

On conçoit combien il importe de savoir à quoi s’en tenir sur cette doctrine ; car, si elle est juste, les négociants tendent invinciblement à se ruiner, à ruiner le pays, et l’État doit s’empresser de les mettre tous en tutelle, — ce qu’il fait.

Ce n’est pas le seul motif qui oblige tout publiciste digne de ce nom à se faire une opinion sur cette fameuse balance du commerce ; car, selon qu’il y croit ou non, il est conduit nécessairement à une politique toute différente.

Si la théorie de la balance du commerce est vraie, si le profit national consiste à augmenter la masse du numéraire, il faut peu acheter au dehors, afin de ne pas laisser sortir des métaux précieux, et beaucoup vendre, afin d’en faire entrer. Pour cela, il faut empêcher, restreindre et prohiber. Donc, point de liberté au dedans ; — et comme chaque peuple adopte les mêmes mesures, il n’y a d’espoir que dans la force pour réduire l’étranger à la dure condition de consommateur ou tributaire. De là les conquêtes, les colonies, la violence, la guerre, les grandes armées, les puissantes marines, etc.

Si, au contraire, la balance du négociant est un thermomètre plus fidèle que la balance du commerce, — pour toute valeur donnée sortie de France, — il est à désirer qu’il entre la plus grande valeur possible, c’est-à-dire que le chiffre des importations surpasse le plus possible, dans les états de douane, le chiffre des exportations. Or, comme tous les ef-