Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais entendent-ils que les hommes y entrent librement ou par contrainte ?

Si c’est par contrainte (ce qu’il est permis de supposer, à voir la répugnance que la liberté semble leur inspirer), voici une série de petites difficultés qu’ils ont à résoudre.

1o Trouver l’autorité ou plutôt l’homme qui assujettira tous les mortels à l’organisation demandée. Sera-ce Louis-Philippe ? sera-ce le pape ? sera-ce l’empereur Nicolas ? — Louis-Philippe, on en conviendra, a peu de chances de réussir. — Le pape pourrait quelque chose sur les catholiques, mais bien peu sur les juifs et les protestants. — Et quant à Nicolas, autant il a d’ascendant en Moscovie, autant il en aurait peu en Suisse et aux États-Unis.

2o Mais supposons l’autorité trouvée, il s’agit de la déterminer dans le choix du plan à faire prévaloir. MM. Considérant, Blanc, Proudhon, Cabet, Vidal, etc., etc., défendront chacun le leur, c’est bien naturel ; faudra-t-il se décider après une comparaison approfondie, ou bien tirer à la courte paille ?

3o Cependant le choix est fait, je l’accorde, et ce n’est pas une petite concession. J’admets que le plan Vidal soit préféré. M. Vidal conviendra lui-même que son infaillibilité est bien désirable, car quand une fois le compelle intrare sera universellement en œuvre, il serait bien fâcheux que quelque plan plus beau vînt à se produire, puisque de deux choses l’une, ou il faudrait persévérer dans une organisation comparativement imparfaite, ou force serait à l’humanité de changer tous les matins d’organisation. Le seul moyen de sortir de là, c’est de décréter qu’à partir du jour où l’autorité aura jeté son mouchoir, le flambeau de l’imagination devra s’éteindre dans toutes les cervelles de la terre.

4o Enfin, il restera une difficulté qui n’est pas petite. Quand on aura armé l’autorité, comme il le faut bien dans l’hypothèse, de la puissance nécessaire pour vaincre toutes