Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/167

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« On peut dégréver notablement tous les objets que la France ne produit pas. »

Sans doute, on le peut, en faisant un vide au trésor.

Direz-vous qu’on le comblera avec d’autres impôts ? Reste à savoir s’ils ne seront pas plus onéreux que celui qui grève le thé et le cacao. Direz-vous qu’on diminuera les dépenses publiques ? Reste à savoir s’il ne vaut pas mieux faire servir l’économie à dégréver la poste et le sel que le cacao et le thé.

M. Vidal pose encore ce principe : — « Les tarifs protecteurs devraient toujours tendre à garantir à nos agriculteurs et à nos ouvriers leurs frais rigoureux. »

Ainsi, on ne sera plus déterminé à faire la chose parce qu’elle couvre ses frais, mais l’État assurera les frais, au moyen d’une subvention, parce qu’on se sera déterminé à faire la chose. Il faut convenir que, sous un tel régime, on peut tout entreprendre, même de dessaler l’Océan.

« N’est-il pas étrange, s’écrie M. Vidal, que nos manufacturiers manquent de débouchés, quand les deux tiers de nos concitoyens sont vêtus de haillons ? »

Non, cela n’a rien d’étrange sous un système où l’on commence par ruiner la puissance de consommation des deux tiers de nos concitoyens pour assurer aux industries privilégiées leurs frais rigoureux.

Si les deux tiers de nos concitoyens sont couverts de haillons, cela ne prouve-t-il point qu’il n’y a pas assez de laine et de drap en France, et n’est-ce point un singulier remède à la situation que de défendre à ces Français mal vêtus de faire venir du drap et de la laine des lieux où ces produits surabondent ?

Sans pousser plus loin l’examen de ces paradoxes, nous croyons devoir, avant de terminer, protester avec énergie contre l’attribution d’une doctrine qui, non-seulement n’est pas la nôtre, mais que nous combattons systématiquement