Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous avions eu assez de blé. Le mieux est d’avoir à la fois le blé et les écus. Mais cela n’est pas possible du jour où la sécheresse brûle nos moissons. Donc c’est là l’origine et la cause du mal.

La Presse affirme que nous avons payé le blé, non-seulement avec nos écus, mais encore avec nos épargnes. — C’est fort possible. — Et rien n’est plus heureux, quand on comptait sur une moisson qui vous manque, que d’avoir au moins des épargnes pour acheter du pain.

Est-ce que la Presse s’attend, par hasard, lorsqu’un fléau emporte nos récoltes, à ce qu’il n’en résulte pas des maux qui se manifestent d’une manière quelconque ? La forme la plus directe de ce malheur c’eût été l’inanition.

Grâce à nos épargnes et au sacrifice que nous avons fait, ce malheur a affecté une autre forme, celle d’une crise commerciale et d’une gêne industrielle. Sans doute, il aurait bien mieux valu ne souffrir d’aucune manière, recevoir tout le blé qui nous a manqué, et cependant, voir hausser les salaires, fleurir le travail, n’éprouver aucune difficulté dans nos transactions. Mais cela était-il possible ? Et puisque une année de souffrance a été décidée le jour où les épis de nos champs ont été frappés de mort, ne valait-il pas mieux, qu’à l’inanition générale, qui en était la conséquence naturelle, se substituât une crise financière, quelque déplorables qu’en soient les effets ?

On complique beaucoup ces questions en se méprenant sur les causes, ou en confondant les causes avec les effets. Après tout, une nation n’est qu’une grande famille, un peuple n’est qu’un grand individu collectif ; et les lois de l’économie sociale ne sont autres que celles de l’économie domestique sur un plus vaste développement.

Un cordonnier fait des souliers ; c’est là son gagne-pain. Du produit des souliers qu’il vend, il achète les choses qui lui sont nécessaires ; et certes, pour lui, il est vrai de dire