Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/207

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-échange, nous nous croyons fondés à penser qu’elle serait aussi la première à réduire son état militaire.

La raison dominante des onéreux efforts auxquels les nations modernes se soumettent, dans le sens du développement de la force brutale, étant manifestement la jalousie industrielle, l’ambition des débouchés exclusifs et le régime colonial, il nous paraissait absurde, contradictoire, qu’un peuple voulût se soumettre à l’aggravation de ce lourd fardeau militaire, précisément au moment où, par d’autres mesures, il rend ce fardeau irrationnel et inutile.

Nous concevrions, sans l’approuver, que l’Angleterre armât si elle avait des craintes pour ses colonies, ou l’arrière-pensée d’en acquérir de nouvelles.

Mais, quant à ses possessions actuelles, jamais elle n’a eu moins raison de craindre, puisqu’elle entre dans un système commercial qui ôte aux nations rivales tout intérêt à s’en emparer.

Quelle raison aura la France de se jeter dans les hasards d’une guerre pour conquérir le Canada ou la Jamaïque, quand, sans aucuns frais de surveillance, d’administration et de défense, elle pourra y porter ses produits sur ses propres navires, y accomplir ses ventes, ses achats et ses transactions aux mêmes conditions que les Anglais eux-mêmes ?

S’il plaît aux Anglais de s’imposer tous les frais du gouvernement de l’Inde, quel motif aurons-nous de leur disputer, l’arme au poing, ce singulier privilége, quand, du reste, par la liberté des échanges, nous retirerons du commerce de l’Inde tous les avantages dont pourrait nous investir la possession elle-même ?

Tant que les Anglais nous excluent, nous et les autres peuples, d’une partie considérable de la surface du globe, c’est une violence ; et il est clair que toute violence, constamment menacée, ne se maintient qu’à l’aide de la force.