Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Si nous étions de ceux qui pensent que ce qui nuit à une nation profite nécessairement à une autre, nous encouragerions de toutes nos forces nos voisins à entrer dans cette voie. S’il est vrai que les mêmes causes produisent les mêmes effets, nous pourrions en conclure qu’une institution qui a été funeste à notre marine marchande, et par suite à notre marine militaire, ne le serait pas moins à la marine britannique.

Que notre marine marchande soit en décadence, c’est un fait qui n’a plus besoin de preuves. Sans doute, ainsi que l’a parfaitement démontré la chambre de commerce de Bordeaux, la cause principale en est dans le régime restrictif. Les chiffres et les paradoxes du comité Odier ne parviendront jamais à ébranler cette vérité, que si la France expédiait et recevait plus de marchandises, elle aurait plus de transports à faire. Le comité Odier cite avec complaisance le chiffre de nos importations et de nos exportations. Nous prendrons la liberté de lui faire observer que ce qui entre en France n’y entre pas en vertu du régime restrictif, mais malgré ce régime. Il nuit à notre marine, non en raison des choses qu’il laisse entrer, mais en raison de celles qu’il empêche d’entrer.

D’ailleurs, ce n’est pas seulement par la diminution sur l’ensemble de nos échanges qu’il froisse la navigation, mais par la fausse position où il met nos navires. Supposez la liberté absolue, et il est aisé de comprendre comment le prix du fret pourrait s’abaisser sans préjudice pour les armateurs.

Quand un bâtiment prend charge au Havre ou à Bordeaux, si l’armateur pouvait se dire : « Partout où ira mon navire, le capitaine s’adressera aux courtiers et prendra la première cargaison venue, n’importe la destination. Au Brésil, il n’attendra pas qu’il se présente du fret pour le Havre : il pourrait attendre longtemps, puisque nous ne