Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/265

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Et quand nous demanderions une réforme instantanée, est-ce que cela dépend de nous ? sommes-nous ministres ? disposons-nous de la majorité ? n’avons-nous pas assez d’adversaires, assez d’intérêts en présence pour être bien assurés que la réforme sera lente, et ne sera que trop lente ?

Dans quelle direction faut-il marcher ? — Faut-il marcher vite ou lentement ? — Ce sont deux questions indépendantes l’une de l’autre, et qui n’ont même aucun rapport entre elles. Elles en ont si peu, que, dans le sein de notre association, encore que nous soyons tous d’accord sur le but qu’il faut atteindre, nous pouvons différer d’avis sur la durée convenable de la transition. Ce sur quoi nous sommes unanimes, c’est pour dire que, puisque la France est engagée dans une mauvaise voie, il faut l’en faire sortir avec le moins de perturbation possible. L’immense majorité de nos collègues pense que cette perturbation sera d’autant plus amoindrie que la transition sera plus lente. Quelques-uns, et je dois dire que je suis du nombre, croient que la réforme la plus subite, la plus instantanée, la plus générale, serait en même temps la moins douloureuse ; et si c’était ici le moment de développer cette thèse, je suis sûr que je l’appuierais sur des raisons dont vous seriez frappés. Je ne suis pas comme ce Champenois qui disait à son chien : « Pauvre bête, il faut que je te coupe la queue ; mais sois tranquille, pour t’épargner des souffrances, je ménagerai la transition et ne l’en couperai qu’un morceau tous les jours. »

Mais, je le répète, la question pour nous n’est pas de savoir combien de kilomètres la réforme fera à l’heure ; la seule chose qui nous occupe, c’est de décider l’opinion publique à prendre la route de la liberté au lieu de prendre celle de la restriction. Nous voyons un équipage qui prétend aller vers les Pyrénées, et qui, selon nous, y tourne le dos ; nous avertissons le cocher et les passagers ; nous mettons en œuvre, pour les tirer d’erreur, tout ce que