Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/269

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réciproques que se rendent les hommes, et à l’aide desquels la société existe et se développe. Le progrès de la richesse, c’est plus de pain pour ceux qui ont faim, des vêtements qui non-seulement mettent à l’abri des intempéries, mais encore donnent à l’homme le sentiment de la dignité ; la richesse, c’est plus de loisirs et par conséquent la culture de l’esprit ; c’est, pour un peuple, des moyens de repousser les agressions étrangères ; c’est, pour le vieillard, le repos dans l’indépendance ; pour le père, la faculté de faire élever son fils et de doter sa fille ; la richesse, c’est le bien-être, l’instruction, l’indépendance, la dignité.

Mais si l’on jugeait que même dans ce cercle étendu l’économie politique est une science qui s’occupe trop d’intérêts matériels, il ne faut pas perdre de vue qu’elle conduit à la solution de problèmes d’un ordre plus élevé, ainsi que vous avez pu vous en convaincre quand j’ai appelé votre attention sur ces deux questions : Est-il vrai que le profit de l’un soit le dommage de l’autre ? Quelle est la limite rationnelle de l’action du gouvernement ?

Mais ce qui vous surprendra, Messieurs, c’est que les socialistes, qui nous reprochent de nous trop préoccuper des biens de ce monde, manifestent eux-mêmes, dans l’opposition qu’ils font au libre-échange, le culte exclusif et exagéré de la richesse. Que disent-ils en effet ? Ils conviennent que la liberté commerciale aurait, au point de vue politique et moral, les résultats les plus désirables. Personne ne conteste qu’elle tend à rapprocher les peuples, à éteindre les haines nationales, à consolider la paix, à favoriser la communication des idées, le triomphe de la vérité et le progrès vers l’unité. Sur quoi donc se fondent-ils pour repousser cette liberté ? Uniquement sur ce qu’elle nuirait au travail national, soumettrait nos industries aux inconvénients de la concurrence étrangère, diminuerait le bien-être des masses et, pour trancher le mot, la richesse.