Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/270

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En présence de l’objection, ne sommes-nous pas forcés de traiter la question économique, de montrer que nos adversaires ne voient la concurrence que par un de ses côtés, et que la liberté commerciale a autant d’avantages au point de vue matériel que sous tous les autres rapports ? Et quand nous le faisons, on nous dit : Vous ne vous occupez que de la richesse ; vous donnez trop d’importance à la richesse.

Après avoir repoussé le reproche fait à l’économie politique d’être une science d’importation anglaise, l’orateur termine ainsi :

Messieurs, je m’arrête, et j’ai peut-être déjà trop abusé de votre patience. Je terminerai en vous engageant de toutes mes forces à consacrer quelques instants pris sur vos loisirs à l’étude de l’économie politique. Permettez-moi aussi un autre conseil. Si jamais vous entrez dans l’Association du libre-échange, ou toute autre qui ait en vue un grand objet d’utilité publique, n’oubliez pas que les débats de cette nature ont pour juge l’opinion, et qu’ils veulent être soutenus sur le terrain du principe et non sur celui de l’expédient. J’appelle Expédient, par opposition à Principe, cette disposition à juger les questions au point de vue des circonstances du moment, et même, trop souvent, des intérêts de classe ou des intérêts individuels. À une association il faut un lien, et ce ne peut être qu’un principe. À l’intelligence il faut un guide, une lumière, et ce ne peut être qu’un principe. Au cœur humain il faut un mobile qui détermine l’action, le dévouement, et au besoin le sacrifice ; et l’on ne se dévoue pas à l’expédient, mais au principe. Consultez l’histoire, Messieurs, voyez quels sont les noms chers à l’humanité, et vous reconnaîtrez qu’ils appartiennent à des hommes animés d’une foi vive. Je gémis pour mon siècle et pour mon pays de voir l’expédient en honneur, la dérision et le ridicule réservés au principe ; car jamais rien de grand et de beau ne s’accomplit dans le monde que par le