Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/280

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Ensuite, le régime prohibitif nécessite un grand développement des forces militaires et navales ; et ceci, Messieurs, mérite que nous nous y arrêtions un instant.

Ce régime est né de l’idée que la richesse, c’est le numéraire. Partant de là, voici comment on a raisonné : il y a une certaine quantité de numéraire dans le monde ; nous ne pouvons augmenter notre part qu’en diminuant celle des autres, — d’où, par parenthèse, cette conclusion désespérante : la prospérité d’un peuple est incompatible avec la prospérité d’un autre peuple.

Mais ensuite, comment faire pour soutirer l’argent des autres nations et pour qu’elles ne nous soutirent pas le nôtre ? Il y a deux moyens. Le premier, c’est de leur acheter le moins possible. Ainsi nous garderons notre numéraire ; de là la restriction et la prohibition. Le second, c’est de leur vendre le plus possible. Ainsi nous attirerons à nous leurs métaux précieux ; de là le système colonial. Car, Messieurs, pour assurer la vente, il faut donner à meilleur marché ; — et la restriction, comme nous venons de voir, est un empêchement invincible. Il a donc fallu songer à vendre cher, plus cher que les autres ; mais cela ne pouvait se faire qu’en subjuguant les consommateurs, en leur imposant nos lois et nos produits ; en un mot, en ayant recours à ce principe de destruction et de mort : la violence.

Mais, si ce principe est bon et vrai pour un pays, il est bon et vrai pour tous les autres. Ils ont donc tous tendu vers ces deux choses contradictoires : vendre sans acheter, — et de plus, vers les acquisitions de colonies et les agrandissements de territoire.

En d’autres termes, le principe de la restriction a jeté dans le monde un antagonisme radical, et un ferment de discorde pour ainsi dire méthodique.

Or, quand les choses en sont là, quand la tendance de